Le jugement condamnant M. Habré risque d'exclure "des milliers de personnes qui ont droit à des réparations", a déclaré Jacqueline Moudeina, une avocate des victimes, au deuxième jour du procès en appel, en l'absence de l'accusé.
M. Habré, 74 ans, a été condamné le 30 mai pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, tortures et viols par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d'un accord entre l'Union africaine (UA) et le Sénégal, où il s'est réfugié après avoir été renversé en décembre 1990 par l'actuel président tchadien Idriss Déby Itno.
Il a ensuite été condamné en juillet à payer jusqu'à 20 millions de francs CFA (plus de 30.000 euros) par victime.
"La Chambre dit qu'elle ne peut indemniser que les victimes qui ont été nommément identifiées", a déclaré Philippe Houssine, un autre avocat des victimes.
Les critères retenus pour obtenir réparation, l'identification et l'audition des victimes "posent problème", a expliqué Me Moudeina.
"Nous sommes dans l'impossibilité d'avoir des actes de notoriété pour toutes les victimes et toutes les victimes n'ont pas eu les moyens de venir à N'Djamena pour être auditionnées", a-t-elle ajouté.
"Les critères retenus par la Chambre pour l'indemnisation sont en marge de la pratique pénale internationale", selon Me Houssine, qui a appelé à la "souplesse dans l'admission des preuves" en matière de réparation, citant la jurisprudence de la Cour pénale internationale (CPI) dans l'affaire Jean-Pierre Bemba.
A la suite de la condamnation de cet ancien vice-président congolais pour une vague de meurtres et de viols commis par sa milice en Centrafrique, "des villageois qui étaient dans des zones rurales et sans carte d'identité ont été indemnisés" après avoir produit des "passeports, des permis de conduire et des cartes de baptême", a souligné l'avocat.
Le président de la Chambre d'assises d'appel, le magistrat malien Wafi Ougadèye, a suspendu l'audience jusqu'à mercredi, pour un réquisitoire du parquet qui sera suivi d'éventuelles réponses de la défense et des parties civiles.
La décision finale est attendue d'ici le 30 avril, date d'expiration du mandat du tribunal. Le verdict sera définitif. En cas de condamnation, Hissène Habré purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l'UA.
Une commission d'enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous son régime à quelque 40.000 morts.
Avec AFP