L’audience a duré un peu plus de deux heures. Elle a été consacrée à l'identification des trois des sept prévenus, un étant décédé durant la procédure et trois autres en fuite et jugés par défaut. Quatre militaires congolais sont au nombre de prévenus.
En uniforme, grades à l'épaulette, le major Kayumba Nyenyeri et le capitaine Enyabombi Tshaga alias Commando, ainsi que leur coaccusé Sheria Kahungu ont chacun décliné leur identité. Ils sont poursuivis pour "incitation des militaires à commettre des actes contraires à la loi et (incitation) à l'indiscipline", "crime de guerre par viol, pillage, meurtre".
Dans la nuit du 6 au 7 juin 2014, 37 personnes de l'ethnie Bafulero, majoritairement des femmes et des enfants, ont été tuées à l'arme blanche et par balles, selon l'accusation. La plupart des victimes dormaient dans une église protestante après avoir participé à une assemblée générale des fidèles.
Sous une canicule équatoriale, l'audience s'est tenue devant plusieurs centaines de personnes dans un stade de football bâché, où avait été montée une tribune.
"Ici, nous ne voyons que deux militaires mais plusieurs officiers cités dans différents mémorandums ne sont pas là, on a peur que le procès se termine et [qu'] ils restent intouchables", a déclaré à l'AFP Étienne Togera, président des jeunes de Ruzizi.
Le président de la Cour militaire de Bukavu, le colonel Armand Muka Bombo, a mis en garde le public : "Il faut que ce procès aboutisse, et je préviens la population présente ici [que] celui qui perturbera l'ordre pendant le procès sera poursuivi par la loi."
Les avocats de la défense quant à eux ont mis en doute l'authenticité des quelque 80 dépositions à charge figurant dans l'acte d'accusation.
Mutarule est situé dans la plaine de la Ruzizi, tout près de la frontière avec le Burundi, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu.
La Mission de l'ONU au Congo (Monusco) avait présenté publiquement ses excuses et reconnu une part de responsabilité dans le massacre après que l'ONG américaine Human Rights Watch (HRW) eut accusé, en juillet 2014, l'armée congolaise et les Casques bleus de n'avoir rien fait pour empêcher cette tuerie.
Ses observateurs étaient d'ailleurs présents à l'audience vendredi.
Pour l'ONU, HRW et des sources locales, les auteurs du massacre appartenaient aux communautés rwandophones des Barundi et des Banyamulenge.
Les Barundi et les Bafulero sont en conflit pour des raisons essentiellement foncières dans la plaine de la Ruzizi depuis la période coloniale belge (1908-1960).
Minoritaires, les premiers sont perçus par les seconds comme des étrangers, quand bien même nombre d'entre eux peuvent se prévaloir de descendre d'ancêtres installés sur les lieux depuis le XIXe siècle. Le conflit intercommunautaire avait dégénéré de manière particulièrement violente et meurtrière en 2012.
Les Banyamulenge sont des Tutsis installés depuis le 18e siècle sur les hauts plateaux dominant la plaine de la Ruzizi et qui vivent traditionnellement de l'élevage.
Longtemps ostracisés par le pouvoir et les autres communautés qui se considèrent comme véritablement autochtones, ils ont participé à de nombreuses rébellions à dominante tutsi au cours des 20 dernières années, mais se sont tenus à distance de la dernière d'entre elles, celle du Mouvement du 23 Mars (M23), défaite en novembre 2013.
Le procès, qui durera plusieurs semaines, doit reprendre samedi.
Avec AFP