La contamination des eaux concernent une large zone bordant les zones marécageuses du Nil-Blan, selon une étude publiée jeudi à Juba par une ONG allemande.
"Il y a un lien direct entre l'exploitation et la production pétrolière dans le nord de l'État d'Unité et la contamination de l'eau potable dans la zone", a déclaré jeudi à Juba le vice-président de l'ONG Sign of Hope ("Signe d'espoir"), Klaus Stieglitz.
L'ONG a effectué des prélèvements et mené des recherches depuis six ans, en coopération avec l'entreprise African Water, basée en Allemagne et au Soudan du Sud, spécialisée dans la recherche et la fourniture d'eau potable dans ce pays.
"Nous pouvons prouver que l'eau potable dans plusieurs villages (...) est contaminée par des produits d'origine humaine issus des activités d'extraction du pétrole", a affirmé le Dr Hella Rueskamp qui a mené les recherches pour Africa Water.
"La nappe phréatique supérieure est polluée par l'infiltration lente d'eaux salées issues de la production de brut, arrivant régulièrement de bassins de stockage et de fosses de boues (de forage) au cours de la saison des pluies", poursuit-elle dans son étude, estimant qu'aucune autre source d'eau salée n'a pu être identifiée dans la zone.
Les compagnies pétrolières ne "prennent aucune mesure de protection" de l'environnement, stockant eaux usées et boues de forage - contenant des additifs chimiques - dans des bassins ou des fosses creusés directement dans le sol et non isolés et se débarrassent selon elle de leurs déchets de façon inappropriée.
D'après ses résultats, l'eau prélevée dans certains puits présente des excès de chlorures et de sulfates, ainsi que des taux importants de métaux lourds - tels que plomb, fer, baryum ou zinc, notamment.
La salinité de l'eau est comparable à celle des eaux usées et des boues de forage issues de l'exploitation pétrolière retrouvées dans la zone. La qualité de l'eau s'améliore à mesure que l'on s'éloigne des forages ou des sites de production, note aussi le Dr Rueskamp.
Depuis plusieurs années, "la population (de la zone) se plaint d'un goût salé et amer de l'eau" des puits, de maladies intestinales et d'une mortalité anormale du bétail, a poursuivi M. Stieglitz, "les gens abandonnent leurs puits pour boire l'eau des marais" impropre à la consommation.
Selon lui, au moins 180.000 personnes, selon "l'estimation la plus prudente", subissent les conséquences directes de la contamination des nappes, mais "nous n'avons aucune étude médicale scientifique concernant les effets exacts" de la contamination sur la population.
Le Dr John Ariki, géologue de l'Université de Juba, a critiqué les réticences des autorités sud-soudanaises à admettre les conséquences sur l'environnement de l'activité pétrolière. "Les compagnies sont un lobby puissant, elles ne cessent de dire aux autorités qu'elles ne sont pas responsables du problème", a-t-il estimé, "les communautés locales pleurent, mais aucune oreille n'écoute".
"Le mal à l'environnement est fait. Dans cette zone, il n'y a aucune chance de nettoyer cette première nappe phréatique" peu profonde, a estimé le Dr Rueskamp, estimant que l'arrêt des puits dans l'État d'Unité en raison du conflit qui a éclaté en décembre 2013, ne changera rien à la qualité de l'eau.
"Nous devons trouver des sources alternatives d'eau", a-t-elle indiqué, préconisant le forage de puits dans une seconde nappe plus profonde, protégée de la première par une épaisse couche d'argile.
Huit puits profonds ont été construits dans la région par Africa Water, mais les pompes ainsi que les panneaux solaires permettant leur fonctionnement ont été pillés à la faveur de l'actuel conflit. Si les puits ont été préservés, il sera facile de nettoyer et de les faire repartir, a estimé le Dr Rueskamp.
Une précédente étude menée en 2009 par Signe d'espoir avait déjà révélé la pollution de cette région, la plus vaste zone marécageuse du monde, appelée le Sudd, par les activités pétrolières. "Rien n'a été fait depuis par les compagnies pétrolières", a déploré Hella Rueskamp.
VOA/AFP