Qatar, France, Koweït, Union européenne, mais aussi Banque africaine de développement: les promesses de soutien financier ont afflué par milliards d'euros mardi et mercredi.
Ces aides --des prêts pour l'essentiel-- sont vitales pour un pays qui se dit "en état d'urgence économique", six ans après sa révolution. Elles doivent notamment permettre de financer des projets d'infrastructures parfois en panne depuis la chute de la dictature de Zine el Abidine Ben Ali en 2011.
Mais au-delà de cette opération de sauvetage financier, les autorités tunisiennes avaient assigné une autre mission à la conférence "Tunisia 2020": celle de "remettre le pays sur la carte des investissements en Méditerranée".
"Pendant cinq ans, la Tunisie a souffert d'une concentration sur le seul aspect politique, nous avons délaissé l'économique", avait récemment déploré le ministre de l'Investissement, Fadhel Abdelkéfi, dans un entretien à l'AFP.
Après la séquence politique de mardi matin, l'essentiel de la conférence a ainsi porté, pour les plus de 2.000 participants, sur des sessions et rencontres thématiques.
Mercredi matin, l'une d'elles a mis l'accent sur la Tunisie en tant que "pôle de compétitivité" pour les "industries automobile et aéronautique".
Modérateur de cette session, Jean-Philippe Duval, responsable de PcW, un réseau d'entreprises spécialisées dans le conseil, partage l'avis que la Tunisie s'est "beaucoup focalisée sur ses débats politiques internes" ces dernières années.
Un "certain nombre de questions politiques étaient posées par des investisseurs eux-mêmes", relève-t-il.
Mais "cette page est aujourd'hui tournée et le pays doit avoir une communication beaucoup plus forte auprès de l'extérieur, pour casser un certain nombre de mythes", fait valoir M. Duval.
Si l'avènement de la démocratie a été salué par la communauté internationale, les crises politiques et sociales à répétition ont durablement refroidi les ardeurs des investisseurs.
Dirigeante du groupe tunisien Onetech, spécialisé dans les câblages automobiles et télécoms, Lamia Fourati est toutefois venue témoigner mercredi matin que des "sucess-stories" avaient existé à l'ombre du Printemps arabe.
"De 2011 à 2016, nous sommes passés de 360 millions de dinars à 600 millions de dinars (150 à 250 millions d'euros) de chiffres d'affaires, de 2.300 à 4.000 employés. Il y a plusieurs belles histoires comme ça après la révolution à raconter", a-t-elle clamé.
Durant ces cinq années, les rumeurs de départs de sociétés étrangères ont-elles été légion. A l'occasion de la conférence, le gouvernement tunisien a tenu à rappeler que le pays en comptait toujours quelque 3.500 sur son sol.
Il a, dans le même temps, plaidé pour l'amélioration du "climat des affaires", brandissant notamment le code de l'investissement récemment adopté, après des années d'attente.
Deux jours peuvent paraître peu pour redresser la barre, et sur les quelque 142 projets mis sur la table de la conférence --pour un montant total évalué à 30 milliards d'euros--, un nombre significatif n'aura pas trouvé preneur, dans l'immédiat.
Mais "le premier pas a été fait", avance Nabil Triki, PDG d'un groupe tunisien spécialisé dans l'agro-alimentaire. "A la suite de cet évènement, il faut organiser un deuxième forum orienté privé/privé", argue-t-il.
Président du comité tunisien des "Conseillers du commerce extérieur de la France", Alexandre Ratle parle de "ressenti plutôt positif".
"On a le sentiment d'être au premier jour d'une nouvelle Tunisie. On sent une réelle volonté politique de faire bouger les choses, de faire entrer le pays dans le monde économique moderne", dit-il, sans nier la persistance de "difficultés".
L'économie tunisienne reste, en effet, plombée par le poids de l'informel et le fléau de la corruption.
Les conflits sociaux restent par ailleurs nombreux, ce qui peut amener les investisseurs à "se poser des questions", reconnaît Jean-Philippe Duval.
Mais "on peut aussi le prendre comme un atout: la question posée au gouvernement, c'est comment créer un dialogue et un nouvel environnement social dans une démocratie du Printemps arabe. C'est un vrai challenge mais ça peut être un élément clé de la réussite de demain", juge-t-il.
Avec AFP