Cet accord met un terme à un mouvement social inhabituellement long pour le pays et particulièrement acrimonieux: le gouvernement a plusieurs fois menacé de licenciements les médecins et obtenu que leurs représentants syndicaux soient incarcérés pendant deux jours en février, pour tenter de les convaincre de reprendre leur travail.
"En tant que syndicat des médecins, nous avons conclu un accord de retour au travail avec le gouvernement, qui met fin à la grève des médecins qui a durement affecté le pays pendant 100 jours", a déclaré Ouma Oluga, secrétaire général du Syndicat des praticiens, pharmaciens et dentistes (KMPDU), lors d'une cérémonie télévisée.
Les médecins réclament depuis le début de leur mouvement une importante revalorisation salariale et de meilleures conditions de travail, y compris de meilleurs équipements dans les hôpitaux publics.
Mais l'accord signé mardi ne porte que sur la fin du mouvement et de nouvelles discussions doivent parachever "sous 60 jours" les négociations salariales, chaque partie appelant l'autre à faire preuve de responsabilité.
"Ce que nous avons signé aujourd'hui avec les représentants syndicaux de médecins, c'est un accord de compromis qui ouvre la voie à de futures négociations sur les demandes d'augmentations de salaires", a ainsi souligné Peter Munya, président du Conseil des gouverneurs qui rassemble les gouverneurs des 47 comtés du Kenya.
Pendant leur mouvement, qui a eu de très sérieuses conséquences sur l'accès aux soins des Kényans les plus modestes, les médecins ont fait valoir que leur revendication principale - une multiplication de leur salaire par trois - figurait dans un accord de négociation collective signé en 2013, mais jamais appliqué.
Politiquement sensible
Les grévistes, qui dénonçaient également la corruption endémique dans le pays, ont bénéficié du soutien de nombreux Kényans pendant leur mouvement. Et les principaux quotidiens du pays ne se sont pas privés de rappeler ces dernières semaines qu'un député gagnait trois fois plus d'argent (plus de 10.000 euros mensuels) que les médecins les mieux payés du pays.
A l'approche des élections prévues en août, la grève des médecins était devenue un dossier épineux et potentiellement dommageable pour le président Uhuru Kenyatta, qui briguera un second mandat.
Ce dernier, longtemps accusé par ses détracteurs de ne pas s'impliquer personnellement dans ce dossier, était finalement sorti de sa réserve la semaine dernière pour s'en prendre violemment aux quelque 5.000 médecins des hôpitaux publics, les accusant de recourir au "chantage".
"Nous ne céderons pas devant les menaces et les intimidations", avait-il déclaré. "Est-ce que ces docteurs pensent que nous sommes si stupides? Nous vous avons offert de meilleurs salaires que ceux des hôpitaux privés" lors des négociations.
La grève a été l'occasion pour de nombreux personnels du système de santé publique de jeter une lumière crue sur leurs conditions de travail.
"On vous force à vous prendre pour Dieu", avait ainsi déclaré à l'AFP Cynthia Waliaula, 25 ans, qui décrivait à quel point il était courant pour un médecin de devoir choisir, entre deux patients, lequel bénéficierait d'une assistance respiratoire, faute d'équipements suffisants ou en état de marche.
Le jeune doctoresse évoquait des week-ends d'astreinte de 48 heures sans interruption. Un autre médecin racontait comment il avait dû finir une césarienne à la lumière de son téléphone portable, faute de carburant pour alimenter le générateur de l'hôpital.
Nairobi dispose de quelques-uns des meilleurs hôpitaux privés du continent. Mais ils sont inabordables pour la majeure partie de la population et la grève a durement touché de nombreux patients qui ont vu leur traitement suspendu pendant 100 jours, y compris pour des pathologies aussi lourdes que des cancers.
"Les Kényans ont souffert et (...) je veux dire aux Kényans que cette situation est regrettable et j'espère que ça n'arrivera plus dans l'histoire de ce pays", a ainsi déclaré le ministre de la Santé Cleopa Mailu.
Avec AFP