"L'attaque a eu lieu à midi à sa résidence de Dodoma (capitale administrative, dans le centre du pays, NDLR). Il a été grièvement blessé et transporté en urgence à l'hôpital régional de Dodoma", a indiqué dans un communiqué le Chadema, le principal parti d'opposition en Tanzanie.
L'agression a eu lieu juste après que M. Lissu eut participé à une session parlementaire, a ajouté le Chadema, qui a dit "condamner fermement cet acte" et "suivre de près la situation".
M. Lissu a été touché à l'estomac et à un pied, et se trouve dans un état "critique", a indiqué à l'AFP Tumaini Makene, un des porte-parole du Chadema. "Il est toujours en salle d'opération", a-t-il précisé jeudi vers 17h00 locales (14h00 GMT).
Le commandant de la police de Dodoma, Gilles Muroto, a annoncé à la presse qu'une enquête avait été ouverte, et que de premières informations faisaient état d'un véhicule de couleur noire qui a suivi M. Lissu jusqu'à son domicile.
Dans un communiqué, l'Ordre des avocats de Tanzanie a qualifié de "triste et choquante" l'agression de celui qui est son bâtonnier, et appelé ses membres à "rester calmes et à prier pour son rétablissement".
Le Chama cha Mapinduzi (CCM), parti au pouvoir, a de son côté condamné un acte "cruel et inhumain" et appelé la justice à "rechercher et traduire en justice les personnes impliquées". Il a également souhaité un "prompt rétablissement" à M. Lissu.
"Cette attaque lâche sur un des hommes politiques les plus importants et les plus courageux de Tanzanie soulève des questions sur la sûreté de toutes les voix dissidentes dans ce pays, où la place laissée à la dissidence diminue à vue d'oeil", a réagi Sarah Jackson, directrice adjointe du bureau est-africain d'Amnesty International.
M. Lissu, juriste de renom âgé de 49 ans, a été arrêté au moins six fois depuis le début de l'année, et est poursuivi pour "sédition" dans plusieurs affaires ouvertes devant les tribunaux.
- 'Climat de peur' -
Le député avait été arrêté pour la dernière fois le 22 août pour "insulte au chef de l'Etat" John Magufuli et pour "propos séditieux", après avoir révélé la saisie au Canada d'un avion commercial acheté par la Tanzanie.
Il avait affirmé qu'un Bombardier Q400, acheté par le gouvernement pour la compagnie aérienne nationale Air Tanzania, était retenu au Canada en raison d'un litige avec une société canadienne qui réclame 38 millions de dollars à la Tanzanie (32 millions d'euros).
Plus tôt, en juillet, M. Lissu avait été inculpé pour "discours de haine" et emprisonné, après avoir vertement critiqué M. Magufuli, accusé lors d'une conférence de presse d'être un "dictateur" voulant museler l'opposition et ayant mis en place "un système basé sur le favoritisme, le népotisme, le tribalisme et le régionalisme".
Dénonçant les arrestations répétées de responsables du Chadema, M. Lissu avait également décrit un "climat de peur qui règne partout" et affirmé qu'"il est grand temps que nous élevions tous la voix".
Surnommé "Tingatinga" (bulldozer en swahili), le président Magufuli a marqué les esprits depuis sa prise de fonctions fin 2015 en se montrant inflexible dans la lutte contre la corruption.
Mais son style peu consensuel et abrupt lui vaut d'être qualifié d'autocrate et de populiste par ses détracteurs, alors que la liberté d'expression est de plus en plus réduite dans le pays.
Des meetings de partis d'opposition ont été interdits, des journaux fermés, des journalistes et artistes molestés ou menacés de mort pour avoir critiqué la nouvelle administration.
Avec AFP