Le collège d’avocats dit n’avoir aucune nouvelle des personnes extradées depuis lors.
"Nous n’avons toujours pas été autorisés à rencontrer qui que ce soit dans le cadre de cette procédure", a confié à VOA Afrique, Maître Claude Assira, l’un des quatre avocats pressentis pour la défense des "sécessionnistes".
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Me Assira, qui avait défendu une autre figure de proue de la crise anglophone, l’avocat international Agbor Balla, semble se résigner et "doute fort que l’identification des personnes extradées aient été faite". Pour lui, cela permettra "qu’on sache ce qui est reproché", a-t-il déclaré.
Même s’il ne disculpe pas entièrement les personnes extradées, "je ne dis pas qu’il n’y a rien", a-t-il souligné.
L’avocat s’est interrogé sur "l’existence d’une documentation des reproches et griefs éventuels" contre ses clients, exprimant son inquiétude sur le non-respect de la loi camerounaise à plusieurs niveaux dans l’affaire.
"La loi camerounaise a prévu que toute personne privée de liberté a des droits", a-t-il fait remarquer.
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"On ne va se battre contre les fusils pour exercer nos prérogatives d’avocat", a-t-il déclaré.
À Yaoundé où le collège d’avocats a établi son quartier général, c’est donc l’inquiétude désormais dans le camp de la défense des 47 personnes extradées du Nigeria.
A quatre reprises, depuis le 29 janvier 2018, ceux-ci ont tenté en vain de rencontrer "les 47 sécessionnistes".
C’est dommage que la vérité prenne "un chemin si tortueux", a affirmé Me Assira, par ailleurs membre de la commission des droits de l’homme du barreau du Cameroun.
Le lieu de détention des 47 est toujours tenu secret. Le gouvernement camerounais a démenti le 2 février dernier, les rumeurs d’exécutions extrajudiciaires des concernés. Il a en outre affirmé que ceux-ci étaient aux mains de la police judiciaire.
Une démarche critiquée par Maximilienne Ngo Mbe, directrice exécutive du Redhac, Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale, au cours d’une conférence de presse à Douala, le 5 février.
"Nous sommes quand même dans un Etat de droit. Et le gouvernement a le devoir de nous dire qui a été interpellé", a soutenu la directrice du Redhac.
Peur et colère en zones anglophones.
Pendant ce temps, la tension ne cesse de monter dans les zones anglophones depuis l’annonce de l’extradition des 47 sécessionnistes.
"La peur et la colère sont deux sentiments qui dominent désormais la population depuis l’extradition des sécessionnistes arrêtés au Nigeria", nous confie Dr Hilaire Kamga, porte-parole de la plateforme pour la société civile.
Ce militant des droits de l’homme a séjourné en zones anglophones pendant ces dix derniers jours.
"Les gens sont en colère, contre les séparatistes sécessionnistes, contre la république du Cameroun, contre les gendarmes et les forces spéciales. Les gens se demandent comment en est-on arrivé là. Pourquoi tout le monde peut être considéré comme potentiel terroriste. Il ne se passe pas un jour, sans qu’une personne soit tuée. Il y a des enlèvements, les maisons sont incendiées", a rapporté Dr Kampa.
Ayuk Tabe Sissuku et 46 autres sécessionnistes devraient comparaître devant le tribunal militaire de Yaoundé. Ils encourent la peine de mort. Une option des pouvoirs publics globalement soutenue à Yaoundé par la population.
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"Ils doivent être punis selon les crimes qu’ils ont commis", a déclaré une habitante de Yaoundé, la capitale du Cameroun, à VOA Afrique.
Lundi dernier, le Département d’Etat américain a demandé aux autorités camerounaises de respecter le droit à une procédure judiciaire en bonne et due forme pour les 47 personnes extradées du Nigeria vers le Cameroun.
Emmanuel Jules Ntap, correspondant à Yaoundé