Cela fait des mois que Washington surveille comme le lait sur le feu la RDC, où le climat politique se tend à l'approche du 20 décembre, date du terme du second mandat du président Kabila, auquel la Constitution interdit de se représenter.
Le fils de Laurent-Désiré Kabila, qui a succédé à son père assassiné en 2001 avant d'être élu en 2006 et en 2011, est soupçonné par son opposition et des pays occidentaux de manoeuvrer pour rester chef de l'Etat, quitte à chercher à repousser la présidentielle.
En mai, la Cour constitutionnelle a autorisé Joseph Kabila à demeurer à son poste si l'élection n'était pas organisée dans les temps. Un scénario qui semble de plus en plus probable. La Constitution dispose que "le scrutin est convoqué 90 jours avant l'expiration du mandat du président", soit le 19 septembre.
Si bien que "le Congo est à un mois d'une crise constitutionnelle complète", s'est ainsi alarmé Anthony Gambino, ancien directeur à Kinshasa de l'USAID, l'agence humanitaire du département d'Etat.
"Plus on se rapproche de ces dates butoirs, moins les bons scénarios sont plausibles et plus les mauvais sont probables", a renchéri Thomas Perriello, émissaire du département d'Etat pour l'Afrique des Grands lacs.
MM. Perriello et Gambino participaient cette semaine à une conférence de l'institut Brookings sur la RDC, au côté de son ambassadeur à Washington, François Nkuna Balumuene.
"Si nous ne trouvons pas de solution négociée, ces scénarios extrêmement préoccupants pourraient se traduire par de la violence", a prévenu M. Perriello.
Alternance démocratique en Afrique
Le responsable américain a rappelé que le président Barack Obama militait pour l'alternance démocratique en Afrique.
"Les progrès démocratiques en Afrique sont en danger quand des dirigeants refusent de quitter le pouvoir à la fin de leur mandat", avait lancé M. Obama devant l'Union africaine en juillet 2015. A l'adresse de ses homologues africains, il avait souligné que la Constitution des Etats-Unis lui interdisait de briguer un troisième mandat.
Washington a ainsi exhorté, sans succès, les présidents burundais Pierre Nkurunziza et rwandais Paul Kagame à ne pas changer la Loi fondamentale pour rester au pouvoir.
La diplomatie américaine veut donc que la règle s'applique aussi à Joseph Kabila. En 15 ans, le président de la RDC a eu "le mérite" de construire une "démocratie constitutionnelle", il a "maintenant l'occasion de tourner la page", a fait valoir M. Perriello.
Accusés d'ingérence dans les tragédies des Grands lacs depuis la décolonisation, les Etats-Unis n'ont aucun "intérêt" dans la région, ni d'"animosité personnelle" contre tel ou tel dirigeant africain, a assuré le diplomate américain.
L'ancien Congo belge indépendant en 1960, devenu Zaïre au début des années 1970, puis République démocratique du Congo dans les années 1990, a été meurtri par de terribles guerres, notamment dans l'Est frontalier avec le Rwanda. Beni et ses environs sont le théâtre depuis octobre 2014 de massacres commis essentiellement à l'arme blanche et ayant fait plus de 650 morts.
"Implosion de la RDC"
Devant l'institut Brookings, l'ambassadeur Balumuene a ainsi invoqué les difficultés sécuritaires et économiques sous la présidence Kabila, en particulier la lutte contre une rébellion tutsi soutenue par le Rwanda, le M23, vaincue fin 2013.
Dans ce contexte, le diplomate congolais a plaidé pour une "prolongation" du mandat de Joseph Kabila. M. Balumuene a réclamé du "temps, après le 20 décembre, presque un an, pour préparer les élections" et a promis que le président sortant ne serait pas candidat à un nouveau mandat.
Mais le représentant de Kinshasa a aussi mis en garde contre un scénario catastrophe.
Il a accusé "l'opposition et certains partenaires étrangers" de chercher à "utiliser la rue, une révolution de masse pour chasser le président Kaliba" et, alors, "personne ne sera en mesure d'assurer l'après-chaos".
"L'implosion de la RDC doit être évitée à tout prix (...) Il n'y a aucun intérêt à créer une deuxième Libye en Afrique centrale", a averti l'ambassadeur, qui parlait en français.
M. Gambino lui a rétorqué que "la Constitution du Congo devait être respectée", que "la présidentielle devait avoir lieu, si ce n'est en 2016, le plus tôt possible en 2017".
Avec AFP