Les Béninois sont autorisés à voir et admirer, pour la première fois, ce dimanche 20 février, les 26 trésors royaux restitués en novembre par la France. C’est à l’occasion d’une exposition intitulée "Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui”, organisée jusqu’au 22 mai au palais présidentiel à Cotonou.
Le peuple béninois pourra en fin admirer de la statue mi-homme mi-lion du roi Glèlè à celle mi-homme mi-oiseau du roi Ghézo, en passant par les portes du palais royal. Un espace muséal de plus de 2000 m2 a été aménagé au palais présidentiel pour accueillir l'événement.
"Avec cette exposition, nous rendons au peuple béninois, une partie de son âme, une partie de son histoire, et de sa dignité", a confié à l’AFP le ministre béninois de la Culture, Jean-Michel Abimbola.
Le président Patrice Talon, qui inaugure officiellement l'exposition, a présenté samedi matin les 26 trésors à la ministre de la Culture française Roselyne Bachelot, en déplacement à Cotonou.
"C'est une exposition absolument magnifique et elle rend encore peut être mieux la majesté, la créativité, l’incroyable patrimoine historique, politique et esthétique que représentent ces 26 œuvres", a déclaré à l'AFP la ministre française après sa visite.
Les Béninois auront attendu 129 ans avant de voir de leurs propres yeux ces trésors volés par les forces coloniales françaises.
Ces trésors avaient été pillés en 1892 par la France pendant la colonisation dans le palais d’Abomey, capitale du Royaume du Dahomey, au centre-sud du Bénin actuel.
Ils étaient autrefois exposés au musée du quai Branly à Paris. Ils ont été restitués, après plus de deux ans de négociations entre Paris et Cotonou.
-Ferment de l'unité nationale -
Ces œuvres "ont quitté un royaume, mais elles reviennent dans une république, et nous voulons que ce soit le ferment de l’unité nationale", précisent les autorités. Il ne s’agit plus seulement des "trésors du Dahomey", mais bien "des trésors du Bénin, de tous les Béninois" insistent-elles.
Vendredi soir, l'exposition a été montrée en avant première à la presse et au monde de l'art.
-Lier "l'histoire au présent"-
Pour beaucoup, l’exposition est une volonté du gouvernement de lier "l'histoire au présent", et montrer que le "génie artistique béninois a perduré", malgré la dépossession d'une partie de son patrimoine.
"C'est très émouvant de me retrouver face au trône du roi Ghézo, je ne l'avais pas imaginé aussi grand, aussi puissant", confie Laeila Adjovi, artiste franco-béninoise dont plusieurs œuvres sont aussi présentées lors de cette exposition.
A côté des trésors, 34 artistes béninois contemporains ont été sélectionnés pour y présenter plus d'une centaine d’œuvres.
"Je ne les avais jamais vus avant, et pourtant il y a un dialogue évident entre ces trésors et mes œuvres", explique Sébastien Boko devant ses sculptures de bois et métal, présentées dans la partie contemporaine.
Des tapisseries monumentales d'Yves Appollinaire Pèdé mettant à l'honneur le vaudou, à l'installation réalisée à partir de cheveux de Dimitri Fagbohoun, en passant par les robots afro-futuristes d'Emo de Medeiros et les peintures monumentales et colorées de Moufouli Bello, cette deuxième partie montre la vitalité artistique de la scène contemporaine béninoise.
"Il faut que cette exposition amorce la restitution de toutes nos œuvres, elles sont à nous, un point c'est tout", espere l'artiste Laeila Adjovi.
La France et d'autres pays européens, possèdent toujours un nombre important d’œuvres pillées durant la colonisation. Le Bénin demande la restitution d'autres œuvres, notamment la sculpture du Dieu Gou, détenue par le Musée du Louvre à Paris.
"Ce travail de restitution continue. Nous sommes en train de travailler sur une loi cadre pour faciliter ces restitutions", a assuré samedi Mme Bachelot, précisant que le travail législatif pourrait prendre au moins deux ans.