L'Afrique de l'Ouest à l'assaut des pirates et des pêcheurs véreux

Un gendarme ivoirien sur un bateau au port d'Abidjan, le 23 avril 2013.

Vêtus de noir, casqués et armés, six membres des forces spéciales de la marine sénégalaise descendent de leur zodiac et abordent en silence le "Casimir", un chalutier chinois suspecté de pratiquer la pêche illicite au large de Dakar.

Munis d'un fusil et d'une arme de poing, les six hommes progressent le visage fermé de pont en pont, inspectent prudemment les cabines, fouillent la cargaison de poisson, relèvent l'identité des membres d'équipage.

Si l'équipe d'intervention est bien réelle, tout le reste est factice: les armes sont des moulages, les pêcheurs sont des figurants et le "Casimir" est en fait le porte-hélicoptères français Dixmude, un colosse de 199 m de long pour 33 de large, dont une partie de l'équipage a "joué" le rôle de marins-pêcheurs.

Deux inspecteurs qui accompagnent les commandos, gilets de sauvetage orange sur le torse, entreprennent d'interroger le commandant du navire et de vérifier ses documents.

Une demi-heure plus tôt, l'équipe d'intervention se trouvait à bord du Ferlo, un des trois patrouilleurs de haute mer sénégalais chargés de surveiller les eaux territoriales depuis la capitale.

Lors de l'interrogatoire par radio, le commandant du "Casimir" s'est montré peu coopératif et la décision a été prise d'inspecter de fond en comble le chalutier venu de Hong-Kong.

A son bord, le commando sénégalais va découvrir un membre d'équipage non déclaré et un permis de pêche périmé. Pour le bateau chinois, la campagne de pêche s'arrête là. Le Ferlo va l'escorter jusqu'à Dakar pour de plus amples vérifications.

Pirates

Le lendemain, l'équipe simulera une reprise "de vive force" d'un bâtiment arraisonné par des pirates.

Parti du Togo le 10 septembre, le Dixmude a participé depuis à une demi-douzaine d'exercices avec les marines de pays riverains du golfe de Guinée dans le cadre de l'exercice African NEMO 2017.

L'objectif est de renforcer l'exercice par ces pays de leur souveraineté maritime, dans une région stratégique pour le commerce international et où les richesses halieutiques - souvent vitales pour les populations - et pétrolières attisent les convoitises.

En juin 2013, lors d'un sommet à Yaoundé, la capitale camerounaise, les pays de la région - de l'Angola au Sénégal - ont décidé de coopérer dans la lutte contre la piraterie, le narco-trafic et la pêche illicite.

Pour renforcer leurs capacités d'intervention contre la piraterie, principalement à proximité du Nigeria, ou contre la pêche illicite, surtout de la Mauritanie à la Sierra Leone, ils reçoivent l'aide de pays partenaires comme la France, l'Espagne ou les Etats-Unis.

'Les poissons ne lisent pas'

"Les poissons ne savent pas lire les cartes marines, ils n'ont pas de frontière et les pirates non plus", a expliqué à Dakar l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la marine française, lors de l'ouverture d'un "symposium" qui réunit mardi et mercredi les chefs des marines d'une vingtaine de pays d'Afrique de l'Ouest et leurs partenaires.

"Quelque 90% des échanges mondiaux passent par voie de mer. Dans le golfe de Guinée, il y a 2.000 bateaux. La sécurité de ces bateaux est fondamentale pour la prospérité" de ces pays, a-t-il ajouté.

Depuis le lancement du "processus de Yaoundé", une architecture de coopération se met progressivement en place.

Mais la situation reste "contrastée", a relevé le chef d'état-major de la marine sénégalaise, le contre-amiral Momar Diagne. Un des deux grands centres régionaux est déjà en place à Pointe-Noire (Congo), tandis qu'un autre est toujours en cours "d'opérationnalisation" à Abidjan (Côte d'Ivoire), a-t-il indiqué.

Alors que les exercices précédents étaient très scénarisés, la marine française ne donne plus que les grandes lignes d'une situation à ses homologues, les laissant choisir leur mode opératoire.

"On a simplement reçu l'information qu'il y avait un bateau s'adonnant à des activités de pêche non déclarées. Ils nous ont donné la dernière position et la vitesse du chalutier et on est aussitôt venus pour intercepter", a expliqué à l'AFP le chef de l'équipe des patrouilleurs sénégalais, Mamadou N'Diaye, avant le débriefing des officiers français.

"On est passé du stade de l'entraînement tactique des équipes de visite, de secours et d'assistance en mer, à celui de faire travailler l'ensemble des structures mises en place par le processus de Yaoundé", s'est félicité le commandant du Dixmude, le capitaine Jean Porcher.

Avec AFP