En Afrique du Sud, un nom revient régulièrement lors de scandales politiques, d'accords commerciaux et même de la controverse autour d'un mariage: celui de la famille Gupta, d'origine indienne et soupçonnée d'exercer une immense influence dans les coulisses du pouvoir.
En l'espace de deux décennies, les Gupta, arrivés en Afrique du Sud dans les années 1990 alors que le régime de l'apartheid tombait, ont réussi à construire un puissant et vaste empire dans les mines, les médias, l'informatique et l'ingénierie, faisant d'eux l'une des plus riches familles du pays.
Le président sud-africain Jacob Zuma, au pouvoir depuis 2009, défend ouvertement son amitié avec cette grande famille d'immigrés, tandis que plusieurs membres de son clan travaillent pour les Gupta.
L'un de ses fils, Duduzane Zuma, dirige la société Sahara Computers et est associé à plusieurs autres entreprises du groupe. La troisième épouse du président, Bongi Ngema, est également employée par l'empire.
"Les Gupta sont des hommes d'affaires futés. Cela ne peut pas être une relation normale", estime l'analyste politique Prince Mashele, interrogé par l'AFP. "Il semble qu'ils ont la main sur chaque secteur des affaires".
L'empire Gupta se trouve désormais au coeur d'une campagne de l'opposition destinée à faire tomber le président Zuma, alors que des élections locales sont prévues cette année.
"On ne peut pas accepter une situation où l'Afrique du Sud est colonisée par une famille", a lâché la semaine dernière le leader du parti de gauche radicale EFF, Julius Malema. "Ils s'en fichent de l'Afrique du Sud ! On ne peut plus tolérer ça (...). La guerre contre les Gupta est déclarée", a-t-il dit.
"Nous ferons aux Gupta ce que nous avons fait aux colons et à l'apartheid", a prévenu le dirigeant populiste.
La colère de l'opinion publique contre cette famille avait explosé en 2013 quand un jet privé transportant des invités se rendant à un mariage des Gupta avait obtenu l'autorisation d'atterrir sur la base militaire de Waterkloof, près de Pretoria. Un aéroport habituellement réservé à des fins militaires ou pour accueillir des chefs d'Etat.
Les invités étrangers n'avaient subi aucun contrôle à l'immigration et avaient bénéficié d'une escorte de la police jusqu'au lieu de la cérémonie, un casino à 160 kilomètres de là, où plusieurs ministres sud-africains étaient de la partie.
- Journalistes non grata -
Autre controverse, la société minière Tegeta Exploration and Resources, appartenant là encore à l'empire Gupta, est en train d'acquérir une mine de charbon du groupe Glencore.
A la surprise générale, le ministre des Mines, Mosebenzi Zwane, s'est joint à la délégation de Tegeta qui s'est rendue l'an dernier au siège suisse de Glencore pour négocier l'accord.
La nomination inattendue l'an dernier à ce portefeuille clé de Mosebenzi Zwane, un proche des Gupta, avait été interprétée comme une nouvelle preuve de la forte influence de l'empire indien.
En 2011, la présidence avait déjà dû publier un communiqué démentant des accusations d'interférence de la famille Gupta dans son gouvernement.
Dans un autre accord, VR Laser, en partie géré par un neveu des Gupta, s'est récemment associé à l'armurier public sud-africain Denel pour vendre des produits en Asie.
"De tels accords sentent la main mise d'individus privés sur des entités publiques,estime Prince Mashele. C'est une relation indécente qui touche au coeur de notre intégrité nationale."
Dans leur portfolio, les Gupta possèdent également le journal New Age, un quotidien pro-gouvernemental lancé en 2010, et la chaîne d'info en continu ANN7, lancée en 2013.
La semaine dernière, Julius Malema a interdit aux journalistes de ces deux médias d'assister à ses conférences et ses événements. Conséquence, ANN7 n'a pas pu couvrir mardi, pour "des raisons de sécurité" selon la chaîne, une manifestation de l'EFF à Johannesburg.
Sollicités par l'AFP, ni la présidence ni le porte-parole des Gupta n'ont répondu aux questions de l'agence.
"On a le sentiment que les Gupta gèrent pratiquement l'Etat", fait valoir Adriaan Basson, auteur du livre "Zuma Exposed".
"Bien qu'il n'y ait jamais eu d'enquête officielle sur la relation (entre les Gupta et le pouvoir), tout laisse penser que l'alliance est malsaine, ajoute-t-il. Mais je ne peux imaginer le président Zuma tourner le dos à la famille Gupta."
AFP