Afrique du Sud : l'opposition saisit la Cour constitutionnelle contre le président Zuma

Des manifestants demandent la démission de Jacob Zuma, accusé de corruption, le 16 décembre 2015. (AP Photo/Denis Farrell)

L'objectif est d'obliger le chef de l'Etat à rembourser une partie des 20 millions d'euros d'argent public dépensé pour rénover sa résidence privée de Nkandla. Des manifestations ont aussi été organisées.

Les deux principaux partis d'opposition sud-africains manifestaient mardi à Johannesburg, devant la Cour constitutionnelle où leurs avocats plaidaient pour obliger le président Jacob Zuma à rembourser une partie des 20 millions d'euros d'argent public dépensé pour rénover sa résidence privée de Nkandla.

Des milliers de membres du parti de gauche radicale EFF (Combattants de la liberté économique) étaient dans la rue aux cris de "Zuma doit partir" et "Rends l'argent! Rends l'argent!", un slogan qui retentit au Parlement à chaque apparition du chef de l'Etat depuis plus de deux ans.

Le scandale de Nkandla, du nom du petit village où se trouve la propriété, est devenu un véritable boulet pour le président, et un symbole des accusations de corruption qui planent sur son gouvernement et son parti, le Congrès national africain (ANC).

Le scandale a été amplifié début 2014 lorsque la médiatrice de la République, chargée de veiller à l'utilisation des deniers de l'Etat, a rendu un rapport accusant Jacob Zuma d'avoir "indûment bénéficié" des travaux. Elle avait recommandé qu'il rembourse une partie des sommes.

La Cour constitutionnelle doit déterminer si ces recommandations sont légalement contraignantes ou non.

"Nous soutenons que le mépris du président à l'égard de la médiatrice de la République enfreint ses obligations telles que définies par la Constitution", a déclaré devant la Cour l'avocat de l'EFF, Wim Trengove.

Les cris des manifestants pouvaient être entendus dans la cour, pendant l'audience qui s'est transformée en tribune pour l'opposition. Les élections municipales en août pourraient révéler une baisse de soutien pour l'ANC, le parti de Nelson Mandela, au pouvoir depuis la fin de l'apartheid il y a 22 ans.

"Cette affaire va beaucoup plus loin que la question des pouvoirs de la médiatrice", a argumenté Anton Katz, avocat du parti libéral Alliance démocratique (DA). "Il y a eu un abus de biens publics d'un niveau extraordinaire, au profit d'une seule famille, dans un pays où la plupart des familles ont tout juste accès à la nourriture, l'éducation, la santé et le logement."

Piscine et poulailler

Jacob Zuma refusait depuis des mois de rembourser un centime des quelque 220 millions de rands dépensés (20 millions d'euros de l'époque). Il a fait volte-face il y a une semaine, admettant l'idée d'un remboursement partiel, mais les deux partis ont maintenu leur action en justice.

"La proposition du président n'est rien d'autre qu'une manoeuvre de communication pour échapper à ses responsabilités", a déclaré la DA dans un communiqué.

La cour a prévu d'écouter les arguments mardi et de rendre son jugement à une date ultérieure.

L'ANC a de son côté affirmé dans un communiqué que le président n'a "jamais méprisé les recommandations de la médiatrice". "Il est regrettable que l'affaire concernant le président ait été négativement politisée par l'EFF et la DA", estime le parti.

Le chef de l'Etat, régulièrement accusé d'avoir laissé la corruption se propager depuis qu'il est arrivé au pouvoir en 2009, essuie un feu de critiques nourri par la crise économique : l'Afrique du Sud souffre de la chute de la monnaie locale et des cours des matières premières, tandis que le chômage est toujours au-dessus de la barre des 25%.

Il doit prononcer jeudi au Cap (sud) son discours annuel sur l'état de la nation au Parlement. L'année dernière, la séance avait été interrompue par les députés de l'EFF, qui interpellaient Jacob Zuma pour qu'il rembourse l'argent de Nkandla. Ils avaient été brutalement évacués par les services de sécurité.

Le président avait déclaré plusieurs fois qu'il n'avait pas ordonné la rénovation de sa propriété de la province du KwaZulu-Natal (est), et une enquête du ministre de la Police l'année dernière avait conclu qu'il s'agissait de travaux de "sécurité".

La piscine avait notamment été décrite comme "un réservoir d'eau" en cas d'incendie, tandis que l'enclos pour le bétail et le poulailler étaient censés empêcher les animaux de déclencher les détecteurs de mouvement.

AFP