RDC

Au moins 30 morts dans un nouveau massacre en Ituri

Des soldats de la mission de l'ONU en République démocratique du Congo (MONUSCO) patrouillent dans la région de Djugu, dans la province d'Ituri, dans l'est de la RDC, le 13 mars 2020.

A la machette ou par balles, au moins trente villageois ont été tués ce week-end en Ituri, province de l'est de la République démocratique du Congo où sévit notamment le groupe armé ADF, accusé par la population de ce nouveau massacre.

L'Ituri, comme la province voisine du Nord-Kivu, est sous état de siège depuis début mai, mesure exceptionnelle censée mettre un terme aux activités des multiples groupes armés qui terrorisent les habitants depuis plus de 25 ans dans ces régions dont ils se disputent les ressources.

"Le mouvement des rebelles a été signalé vendredi, mais il n'y a eu aucune action des militaires. Nous alertons, nous alertons, nous alertons... Nous ne savons quoi faire!", a imploré Dieudonné Malangayi, responsable de la société civile de la collectivité ("chefferie") de Walese Vonkutu.

Dès samedi soir, M. Malangayi avait fait savoir qu'au moins 14 personnes avaient été tuées dans les collines de Tsani Tsani et Mapasana, autour du village de Luna Samboko, à la limite avec le Nord-Kivu. "Les rebelles ADF sont entrés le matin, ils ont opéré toute la journée", ajoutait-il.

Selon lui, ils ont pillé maisons et boutiques, et tué en masse, en majorité des agriculteurs.

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L'état de siège en Ituri et au Nord-Kivu prolongé in extremis par les élus congolais


Les ADF (Forces démocratiques alliées) étaient à l'origine des rebelles musulmans ougandais opposés au régime du président Yoweri Museveni et sont maintenant présentés par l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) comme sa branche en Afrique centrale.

Ils sont considérés comme le plus meurtrier des groupes armés qui sévissent dans l'est de la RDC, accusés de massacres de civils ayant fait des milliers de morts depuis 2013.

"Les civils qui sont allés rechercher les corps des victimes en ont retrouvé 16 autres dans la brousse, ce qui fait 30 civils massacrés", a dit M. Malangyi après les recherches menées dimanche, soulignant que le bilan pouvait encore s'alourdir.

Une source onusienne a confirmé lundi matin qu'au moins 30 personnes avaient été tuées.

"Beaucoup de gens sont morts"

Augustin Muhindo Musavuli, "chef de bloc Kirara", dans le village voisin de Njanja, a participé aux recherches des corps et dit avoir lui-même vu 17 morts, tués pour la plupart à la machette, mais également par balles. Certains ont été égorgés, d'autres éventrés.

"On est parti dans la brousse avec les jeunes, accompagnés par des militaires", a-t-il témoigné, interrogé par téléphone depuis Bunia par le correspondant de l'AFP. "Nous avons transporté les corps sur des motos... Beaucoup de gens sont morts...".

"Dans la parcelle de Bavon, nous avons retrouvé neuf corps. Bavon lui-même a été tué, sa femme et son enfant et d'autres ont été kidnappés", a-t-il ajouté, bouleversé.

Des corps ont été amenés à la morgue de l'hôpital général d'Eringeti, d'autres transportés à Mamove et Oicha, au Nord-Kivu, tout proche, précise M. Malangayi. "Nous en avons laissé d'autres à Maimoya", également au Nord-Kivu, ajoute M. Muhindo.

David Beyza Katabuka, président de la Croix rouge locale, regrettait dimanche soir de n'avoir pu envoyer d'équipe pour enterrer les morts. "Nous craignons pour notre sécurité et en plus nous n'avons pas assez de matériel pour faire ce travail", déclarait-il.

Au-delà de la présence croissante des ADF, actifs depuis plus longtemps au Nord-Kivu, l'Ituri est aussi marquée par de forts antagonismes entre ethnies locales.

Entre 1999 et 2003, un conflit communautaire y avait fait des dizaines de milliers de morts. Des membres des communautés Lendu et Hema s'étaient entretués par milices interposées jusqu'à l'intervention en 2003 de la Force européenne Artémis, sous commandement français.

Après quelques années d'accalmie, les violences y sont réapparues en 2017, imputées à un groupe armé appelé Coopérative pour le développement du Congo (Codeco), qui prétend défendre les intérêts des Lendu. Ce groupe est aujourd'hui scindé en plusieurs factions rivales.

Fin mai, plus de 50 personnes avaient été tuées dans la région en une seule journée dans l'attaque de deux villages.