L'engin non identifié a explosé juste après un discours prononcé par le chef de l'Etat et candidat à la présidentielle - sorti indemne - devant des milliers de ses partisans réunis dans un stade de la grande ville du sud Bulawayo, un fief de l'opposition.
Au moins 49 personnes ont été blessées, certaines grièvement, selon un nouveau bilan donné dimanche par la police.
Parmi elles figurent les deux vice-présidents du pays, Constantino Chiwenga et Kembo Mohadi, ainsi que plusieurs hauts dirigeants du parti au pouvoir, la Zanu-PF, pour la plupart superficiellement atteints.
L'attaque n'a pas encore été revendiquée mais le président a dénoncé un "acte lâche" qui le visait personnellement.
"C'est l'oeuvre de mes ennemis mortels, il y a déjà eu de nombreuses tentatives", a-t-il déclaré samedi soir à la télévision nationale, sans autre détail. "J'ai l'habitude. On est rentré par effraction dans mon bureau à six reprises. On a tant de fois mis du cyanure dans mon bureau... Mais je continue".
>> Lire aussi : Le président Mnangawa échappe à un probable attentat à la bombe
Agé de 75 ans, Emmerson Mnangagwa a pris les rênes du Zimbabwe après la démission en novembre de Robert Mugabe.
Au terme d'un règne sans partage de trente-sept ans, le "camarade Bob" a été lâché par l'armée et la Zanu-PF après avoir démis M. Mnangagwa de ses fonctions de vice-président, sur l'insistance de son ambitieuse épouse Grace Mugabe.
Your browser doesn’t support HTML5
Crise interne
Alors chef-d'état-major des armées, l'actuel vice-président Chiwenga fut le principal artisan du coup de force qui a poussé vers la sortie le nonagénaire Mugabe.
Au lendemain de l'attentat de Bulawayo, les experts privilégiaient la piste d'un règlement de comptes interne au parti au pouvoir.
"Cela ressemble beaucoup à une crise interne à la Zanu-PF", a déclaré à l'AFP Gideon Chitanga, du centre de réflexion Political Economy Southern Africa, "la bataille politique pour le contrôle du parti s'annonce longue et difficile".
D'autres pointent aussi du doigt les vieilles rancœurs, jamais éteintes, nées de la terrible répression ordonnée au début des années 1980 par Robert Mugabe contre son frère d'armes devenu rival, Joshua Nkomo.
Ces massacres, pilotés par son ministre de la Sécurité Emmerson Mnangagwa, ont causé la mort d'environ 20.000 civils, pour la plupart de l'ethnie ndebele du sud du pays.
Dès samedi, le chef de l'Etat a appelé la population du pays au calme et promis que l'attentat ne perturberait ni sa campagne, ni sa détermination à réformer le pays, sorti économiquement exsangue du règne sans partage de Robert Mugabe.
"Nous nous sommes rassemblés en novembre autour d'un rêve, celui d'un Zimbabwe libre, démocratique et prospère", a rappelé M. Mnangagwa. "Certains se sentent menacés par notre politique (...) je vous assure qu'il ne prévaudront".
"Soyez assurés que le calendrier électoral continuera comme prévu", a assuré de son côté au journal gouvernemental Mail on Sunday le porte-parole présidentiel, George Charamba.
Tentation de la répression
Son principal rival à la présidentielle, Nelson Chamisa, a lui aussi prêché l'apaisement. "La violence n'a pas de place dans notre vie politique", a écrit sur Twitter le candidat du Mouvement pour un changement démocratique (MDC).
Depuis des mois, le président Mnangagwa a répété avec insistance que les élections générales du 30 avril seraient libres, transparentes et honnêtes. Par opposition aux violences et tricheries électorales de l'ère Mugabe.
Dans ce contexte, l'attentat de samedi à Bulawayo a ravivé l'inquiétude de la population.
"Depuis (l'indépendance en) 1980, il n'y a jamais eu de bombe dans une réunion électorale (...) ces choses-là n'arrivent pas au Zimbabwe, seulement en Irak ", a remarqué Crispen Pfundirwa, un habitant de la capitale Harare.
"Ça fait vraiment mal", a renchéri un autre, Philip Muranganwa, "ça montre qu'il n'y a pas du tout de sécurité".
Malgré les assurances du gouvernement, le ton de la campagne va forcément changer après les événements de Bulawayo, assurent de nombreux observateurs.
"La principale incertitude est de savoir si la réaction du pouvoir à l'attaque inclura une répression sur les voix dissonantes ou ses adversaires politiques au nom de la sécurité", a déclaré à l'AFP Hasnain Malik, du centre d'analyses Exotix Capital.
Sauf énorme surprise, M. Mnangagwa est assuré de remporter la présidentielle face à son rival du MDC, orphelin de son chef historique Morgan Tsvangirai décédé en février.
Avec AFP