Bataille autour du prochain chef de la diplomatie américaine

Donald Trump et Mitt Romney, Bedminster, New Jersey, le 19 novembre 2016.

Qui sera le prochain chef de la diplomatie américaine? C'est la grande incertitude du futur gouvernement de Donald Trump, les fervents soutiens du président élu des Etats-Unis refusant que ce poste stratégique revienne au modéré républicain Mitt Romney, ex ennemi juré du milliardaire.

Donald Trump passe le week-end prolongé de Thanksgiving -- fête familiale par excellence durant laquelle le pays est à l'arrêt -- dans son golf de Mar-a-Lago, à Palm Beach en Floride, d'où il a appelé ses concitoyens à l'unité après une "longue et douloureuse campagne" présidentielle qui l'a vu battre à la surprise générale la démocrate Hillary Clinton.

Voix et visage de l'Amérique dans le monde, le poste de secrétaire d'Etat fait l'objet d'une âpre bataille pour savoir qui succédera au démocrate John Kerry à la tête du département d'Etat, ministère des Affaires étrangères de 70.000 employés pilotant le premier réseau diplomatique de la planète.

Citant des sources de l'équipe de transition, le New York Times avance que l'entourage du président élu se déchire entre l'ancien maire de New York Rudolph Giuliani et le candidat républicain malheureux à la présidentielle de 2012, Mitt Romney.

- Saut dans l'inconnu -

M. Giuliani, soutien de la première heure de M. Trump mais sans expérience en politique étrangère, avait dès le début exprimé son désir de diriger la diplomatie de la première puissance mondiale.

Ancien procureur, mondialement célèbre depuis qu'il a été maire à poigne de New York (1994-2001), "Rudy" Giuliani, 72 ans, considérerait même ce poste comme devant naturellement lui revenir.

Face à lui, M. Romney, 69 ans, un républicain battu en 2012 par le président démocrate sortant Barack Obama, représenterait une formidable prise pour Donald Trump parce qu'il pourrait rassurer les centristes du parti républicain et les alliés des Etats-Unis qui s'inquiètent du saut dans l'inconnu de la politique étrangère du magnat de l'immobilier.

Mais Mitt Romney, ancien homme d'affaires de l'Utah, ex gouverneur du Massachusetts (nord-est) que l'on compare dans le style à John Kerry, n'a pas de pedigree diplomatique et il avait en outre traité le candidat Trump aux primaires de "charlatan" et d'"imposteur".

MM. Trump et Romney ne sont pas non plus d'accord sur la Russie, l'enjeu numéro un du moment dans les relations internationales: le président élu veut se rapprocher du chef du Kremlin Vladimir Poutine, alors que M. Romney avait qualifié en 2012 Moscou de premier ennemi géopolitique de Washington.

- 'Déluge' contre Romney -

Et des caciques républicains, loyaux de la première heure du prochain 45e président des Etats-Unis, disent tout le mal qu'ils pensent de l'option Romney au département d'Etat.

"Je pense à 20 autres personnes qui seraient naturellement plus compatibles avec la vision en politique étrangère de Trump", a attaqué, sur FoxNews, Newt Gingrich, qui avait aussi été cité comme possible secrétaire d'Etat.

"Je reste très mécontent, Mitt a tout fait pour faire dérailler Donald Trump", a enfoncé l'ancien gouverneur de l'Arkansas Mike Huckabee, dénonçant "une insulte aux électeurs" du président élu.

La conseillère du prochain locataire de la Maison Blanche, Kellyanne Conway, a d'ailleurs tweeté qu'elle recevait "un déluge de commentaires privés et sur les réseaux sociaux (contre) Romney".

Donald Trump avait nommé autour de lui des hommes blancs relativement âgés, pour la plupart des durs sur l'immigration ou la lutte contre le fondamentalisme islamiste: Jeff Sessions, ministre de la Justice, l'ex-général Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale, et Steve Bannon, conseiller en stratégie classé à l'extrême droite.

Mais mercredi le futur président a joué la carte de la diversité: il a nommé ambassadrice à l'ONU Nikki Haley, gouverneure de Caroline du Sud, fille d'immigrés indiens, mais sans expérience à l'international, et une autre femme, Betsy DeVos, à l'Education.

Ben Carson, un Noir évangélique traditionaliste, qui fut candidat à la primaire républicaine, pourrait être ministre du Logement et, selon le Financial Times, le milliardaire Wilbur Ross piloterait le stratégique ministère du Commerce.

Le général James Mattis, un militaire respecté, reste favori pour le Pentagone et Steve Mnuchin, ancien banquier chez Goldman Sachs, pour le Trésor.

Pour autant, il n'y aura "aucune annonce aujourd'hui, profitez de la dinde et du football", a tweeté le directeur de la communication de Donald Trump, Jason Miller.

Les Américains sont réunis pour Thanksgiving dans un pays divisé par la présidentielle, remportée par Donald Trump en nombre de grands électeurs, mais qui a vu Hillary Clinton recueillir deux millions de voix de plus. L'ancienne candidate indépendante à la Maison Blanche, l'écologiste Jill Stein, va demander de recompter les voix dans le Wisconsin, un Etat démocrate qui a basculé en faveur de M. Trump.

Avec AFP