Deux semaines après les violences post-électorales, la quête des disparus continue au Gabon

La police gabonaise patrouille dans les rues après les manifestations post-électorales à Libreville, Gabon, 1 septembre 2016.

Plus de deux semaines après le début des violences post-électorales meurtrières qui ont secoué le Gabon, des familles continuent leur quête macabre et angoissée de proches qui n'ont plus donné signe de vie.

Les yeux hagards après des jours de recherche désespérée, Olivier a fini par retrouver son frère cadet dans le tiroir d'une chambre froide mortuaire de la capitale, entassé pêle-mêle avec deux autres corps identifiés sous X, faute de place.

Les photos qu'il montre à l'AFP sont insoutenables: visage, maillot aux couleurs de la Juventus et bras de la dépouille sont maculés de sang. Prosper Mesmin N'nang Allogo, topographe de 40 ans, est mort en laissant une veuve et cinq orphelins.

Les agents de la morgue Casepga ont refusé de laisser son frère examiner le corps pour voir s'il portait des impacts de balle. Officiellement, il a été "ramassé" par le SAMU vers 2H00 dans une rue du PK5, à la sortie de Libreville.

C'était la nuit du 31 août au 1er septembre, point d'orgue des émeutes et des pillages qui ont éclaté après l'annonce de la réélection d'Ali Bongo face à son rival Jean Ping. "Sa femme était restée au village à Oyem (nord) et n'arrivait pas à le joindre, personne ne savait où il était passé", explique son aîné.

Olivier ne sait pratiquement rien des circonstances de sa mort, mais reste persuadé qu'elle est liée aux "événements" politiques.

Plusieurs proches lui ont affirmé avoir croisé Prosper au QG de l'opposant Ping, juste avant l'assaut des forces de l'ordre qui a fait des morts et plusieurs blessés ce soir-là.

Drapée dans une longue robe blanche, Solange Ntsame Obiang, 56 ans, éclate en sanglot à l'évocation de son neveu. Ils étaient ensemble au QG le soir de l'attaque, elle ne l'a jamais revu.

La militante pro-Ping explique avoir été détenue six jours avec "65 autres femmes". "Une d'elle était enceinte, elle a perdu son bébé", raconte-t-elle, effondrée sur une table. Quand Solange est finalement libérée, elle apprend la mort de son neveu: "je ne mange plus, je ne dors plus".

Peur des représailles

Le bilan officiel des violences est toujours de trois morts. L'opposition parle d'"au moins 50" personnes tuées, sans apporter de preuves.

"Le nombre de morts qu'on nous donne est inférieur à la réalité", affirme Georges Mpaga, figure de la société civile proche de l'opposition.

Au QG de Jean Ping, un comité de crise a été mis en place avec un "numéro vert" à disposition des familles pour recenser le nombre exact de victimes et de personnes portées disparues.

Noms, photos et vidéos de cadavres ensanglantés sont minutieusement collectés. Selon le registre du comité de crise qu'à pu consulter l'AFP, 21 corps ont été identifiés par leurs familles dans différentes morgues et hôpitaux après les violences et 19 personnes sont toujours portées disparues.

"Ce n'est pas exhaustif, beaucoup de parents n'osent pas venir jusqu'à nous car ils sont terrorisés à l'idée de subir des représailles", affirme une responsable du comité qui tient à rester anonyme.

Samuel Moulili cherche toujours son petit frère de 21 ans, lui aussi disparu pendant l'attaque du QG. "J'ai fait les hôpitaux, les commissariats, les pompes funèbres, on me dit qu'il n'y a rien. J'ai passé des journées entières devant le palais de justice pour voir s'il allait descendre d'un camion", comme des centaines de personnes interpelées et déférées devant la justice après les émeutes, assure-t-il. "Toujours rien".

Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet Boubeya, avait suggéré aux journalistes d'aller vérifier par eux-mêmes dans les maisons de pompes funèbres.

En centre-ville, Gabosep a reçu cinq personnes tuées par balles entre le 1er et le 7 septembre. La SAFF a enregistré plusieurs arrivées durant cette période, toutes des "morts naturelles", selon un responsable. L'accès de la dernière, Casepga, n'est pas autorisé à la presse.

Avec AFP