Sassou Nguesso, le vieux président face aux attentes de la jeunesse

Le président du Congo Denis Sassou Nguesso passe en revue les troupes le 15 août 2010 à Brazzaville.

Le président du Congo-Brazzaville Denis Sassou Nguesso, 77 ans dont 36 au total au pouvoir, a placé au cœur de sa campagne les attentes d'une jeunesse qui hésite entre la peur de l'avenir et le rejet de son régime, à la veille de l'élection présidentielle du 21 mars.

Candidat à sa propre succession face à six adversaires, le président sortant a annoncé "une consultation des jeunes sur les réseaux sociaux".

"Plus de 600.000 jeunes se sont connectés sur les trois réseaux (Facebook, Instagram et Twitter)", avancent les communicants français chargés de sa stratégie, dont Frank Tapiro qui avait peaufiné des slogans de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

"Loin d'un coup de com, le président-candidat a d'abord voulu écouter les thèmes qu'ils ont sélectionnés", ajoutent les Français, qui citent "l'eau, l'électricité et la santé pour tous", "la diversification économique", la protection de l'environnement...

Les jeunes de moins de 25 ans, majoritaires parmi les quelque cinq millions d'habitants du pays, n'ont connu que le vieux président au pouvoir, comme leurs parents depuis 1979, à l'exception d'une parenthèse entre 1992 et 1997.

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"Ça ne servira à rien" d'aller voter, soupire à Brazzaville Francesc, un étudiant en droit de 25 ans. "Les dés sont pipés".

"En 2016, il y avait de l'espoir d'un changement de régime", ajoute-t-il en référence à la dernière élection présidentielle, qui s'est soldée par la réélection contestée de "DSN" et la condamnation en 2018 à 20 ans de prison de deux candidats - le général Jean-Marie Mokoko et André Okombi Salissa -pour "atteinte à la sûreté de l’État".

Désabusé, Francesc veut quitter son pays pour poursuivre son master à Dakar. "Au Congo, il est improbable de faire une année normale, sans grève. Le volume horaire des cours n'est pas respecté".

Le Sénégal est aussi un pays où l'alternance politique fonctionne, observe-t-il. "C'est une maturité que le Congo n'a pas".

"Il y aura un taux d'abstention record. Les jeunes n'iront pas voter. Ils pensent que la politique est un théâtre", avance l'activiste Franck Nzila, qui annonce une campagne contre l'achat du vote des jeunes par le régime (une pratique connue sous le nom de "je vous achète la bière").

"Allez voter pour l'alternance, contre les candidats qui n'ont rien fait depuis 30 ans", lance aux jeunes M. Nzila, qui fera le choix de l'opposant Guy-Brice Parfait Kolelas.

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"Sassou nous met la paix"

A Pointe-Noire, l'autre grande ville du pays, Christophe, 25 ans, se promène avec la vingtaine de cartes d'électeurs de ses coéquipiers d'une équipe de football locale.

"On va bien voter nous tous", sourit ce membre du Rassemblement pour la démocratie et le progrès social (RDPS), un allié du PCT au pouvoir. "Tous nos coéquipiers vont voter pour Sassou Nguesso. C'est un homme bien".

"Le président nous a promis du boulot. Je crois qu'en 2022 il y aura du travail", avance-t-il.

"Je n'ai pas besoin qu'on puisse me payer pour voter pour le président de la République", assure-t-il, en s'apprêtant à redistribuer les cartes d'électeurs le jour du vote.

Le cœur de Mariela, 19 ans, élève en classe de Terminale, bat également pour le président sortant.

"Même s'il y a la galère, il n'y pas la guerre comme dans les autres pays. Vaut mieux rester avec Sassou qui nous met la paix dans le pays, au moins ça c'est bon", analyse la jeune fille au son du roulis des vagues sur la plage de Pointe-Noire, où des jeunes prennent du bon temps à l'heure du soleil couchant.

"Je ne voterai pas. Je pense que ce n'est pas utile", ajoute son camarade de terminale scientifique Bill.

"Sassou a fait du bon boulot mais ce n'est pas suffisant", juge Bill qui s'imagine pilote de l'air, mais pas au Congo. "J'aimerais aller aux États-Unis, au Canada, mais pas finir ma vie au Congo, où les conditions de vie ne sont pas forcément bonnes".

En 2015 les Congolais s'étaient soulevés contre la réforme de la Constitution permettant au président de se représenter après deux mandats.

Parmi les activistes à Pointe-Noire, il y avait Céleste Lemvo Maléla, 25 ans à l'époque, cuisinier dans un hôtel de prestige.

"J'ai mobilisé, c'est ce qui a occasionné mon licenciement. D'après eux j'étais radical, parce qu'il y a une fiche (de renseignements) qui a été montée", constate le jeune homme, sans emploi depuis. "Partout là où je passe on me dit: c'est Céleste? On vous rappelle plus tard".