En France, Marine Le Pen s'efforce de briser le "front du refus"

Marine Le Pen en campagne le 24 avril 2017.

Décidée à porter l'extrême droite au pouvoir en France, Marine Le Pen tente à la fois de convaincre les conservateurs et les électeurs de la gauche radicale, dans une stratégie compliquée de "dédiabolisation" du Front national.

Mais ce n'est pas gagné : le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a affirmé vendredi sur sa chaîne Youtube que son mouvement, "La France insoumise", n'avait "rien à voir avec l'extrême droite".


Même rejet pour certains électeurs de droite. "Le Front national n'est pas un parti normal", estime Jacques Villain, retraité à Nice (sud-est). Il a voté pour le conservateur François Fillon au premier tour et se dit prêt à voter pour le pro-européen social-libéral Emmanuel Macron au second tour. Pas par conviction, par devoir.

"Ca me rappelle des mauvais souvenirs", ajoute le retraité, en référence à la France collaborationniste sous l'Occupation allemande (1940-44), que Jean-Marie Le Pen, fondateur du parti et père de Marine, n'a jamais dénoncée.

Car les ombres du passé sont tenaces : le profil du nouveau président du parti, Jean-François Jalkh, accusé de propos négationnistes, a suscité de tels remous que le parti a dû l'éjecter cinq jours après sa nomination.

Le défi de l'extrême droite, pour remporter l'élection présidentielle au second tour le 7 mai, est de parvenir à briser le traditionnel front du refus droite-gauche qui se forme à chaque élection pour lui barrer la route.

Pour lisser l'image de son parti, Marine Le Pen, qui dirige le Front national depuis 2011, a ostensiblement pris ses distances avec son père et avec la culture historique du parti, volontiers antisémite et négationniste.

Avant le premier tour, elle avait toutefois jeté le trouble en refusant de reconnaître la responsabilité de la France dans la rafle de plus de 13.000 juifs le 16 juillet 1942 à Paris.

- 'Dégagisme' -

Pour l'heure, seul un quart des électeurs du candidat de droite battu François Fillon et 16% seulement des "insoumis" de Jean-Luc Mélenchon sont prêts à voter pour elle le 7 mai, selon un sondage Ifop-Fiducial publié jeudi.

A ce stade, elle n'a donc aucune chance de battre le jeune centriste pro-européen Emmanuel Macron (59% pour lui, 41% pour elle, selon les derniers sondages). Le 23 avril, elle avait échoué à faire du FN le premier parti de France, en arrivant en deuxième position avec 21,03 % des voix (24,1% pour son rival).

Pour gagner du terrain, Marine Le Pen joue sur les mêmes cordes antimondialiste et anticapitaliste que Jean-Luc Mélenchon, dans l'espoir de récupérer quelques uns des 7 millions d'électeurs qui ont voté pour lui au premier tour (19,6% des voix).

Elle a lancé un appel vendredi à "faire barrage à Emmanuel Macron". "C'est l'essentiel qui est aujourd'hui en jeu. Mettons les querelles et les divergences de côté", a-t-elle dit dans une video postée sur son compte twitter.


La veille, lors de son premier grand meeting de l'entre-deux-tours à Nice, elle avait déjà tendu la main à l'extrême gauche. "Je dis aux Français : +Dégagez-les+!", a-t-elle lancé. Le concept du "dégagisme", cher au tribun de la "France insoumise", a imprégné la présidentielle, marquée par l'élimination des ténors politiques pendant les primaires et des grands partis traditionnels au premier tour.

- Euro sous silence -

Dans le nord, Mme Le Pen s'est présentée jeudi comme la candidate des "ouvriers" et des "travailleurs" lors d'une visite surprise à l'usine Whirlpool, menacée de délocalisation en Pologne.

Depuis le premier tour, elle présente aussi le second tour comme "un référendum pour ou contre la France". Sa profession de foi pour le second tour ne fait plus mention de "la souveraineté monétaire", et donc de la sortie de l'euro - un projet qui inquiète trois Français sur quatre.

A gauche cependant, son discours anti-immigrés exaspère. "Avec Le Pen, il y a des propos sur l'immigration, la sécurité, je ne suis pas d'accord !", résume Marina Campana, étudiante de 19 ans et soutien de la gauche radicale, rencontrée à Nice avant le meeting de Marine Le Pen.

S'il s'est refusé à donner une consigne de vote, Jean-Luc Mélenchon a souligné vendredi que "personne ne peut douter que je ne voterai pas Front national".

Avec AFP