En quête d'un nouveau souffle, l'ambiance s'est assagie à la Playboy Mansion

Une vue général de la Playboy mansion à Los Angeles, Californie, le 25 août 2015.

C'est la demeure de toutes les légendes sulfureuses, de John Lennon brûlant une toile de Matisse avec sa cigarette à Elvis Presley folâtrant avec des mannequins, mais la Playboy Mansion s'est aujourd'hui nettement assagie.

Oubliée la lingerie. Les femmes traversant sa pelouse sont désormais des attachées de presse en tailleurs chics et les perroquets et splendides paons sont les seuls à batifoler sur l'immense terrain de la propriété de Beverly Hills.

Longtemps symbole des excès d'Hollywood, la nouvelle ambiance plus rangée de la demeure aux airs gothiques avec ses 12 chambres fait écho à la nouvelle direction donnée au magazine mensuel, qui a abandonné en mars les poses nues les plus explicites pour des photos de ses célèbres "playmates" moins suggestives... et plus à même de lui ouvrir les portes des réseaux sociaux et de leurs millions d'abonnés.

Hugh Hefner avait lancé Playboy en 1953 pour défendre le libre choix et la liberté sexuelle, expliquait le magazine lors de l'annonce choc à l'automne de son virage vers une ligne plus prude. "Cette bataille a été menée et gagnée", affirmait Scott Flanders, directeur général de Playboy Entreprises.

A l'heure de l'accès facile à la pornographie en ligne, le magazine au lapin (le célèbre "bunny") avait déjà décidé d'assagir dès 2014 son site et son application mobile afin de pouvoir être repris sur les réseaux sociaux.

Nommée "Playmate de l'année", Eugena Washington, Californienne de 31 ans, est la première à poser pour la nouvelle ère: la sculpturale mannequin noire a bien été photographiée nue dans l'édition de juin, mais son corps est partiellement occulté par des poses habiles. La même mannequin avait posé pour le numéro de décembre, lorsque la nudité intégrale était encore à l'ordre du jour.

"C'est un grand pas dans la bonne direction", confie-t-elle à l'AFP. "Le fait est que nous allons devenir beaucoup plus accessibles. Nous allons atteindre un tout nouveau lectorat."

"Une bonne soirée"

Playboy s'était lancé dans le nu intégral vers 1971, l'année où Hugh Hefner a décidé d'acheter la Playboy Mansion pour environ un million de dollars. Rapidement, ses soirées où les invités batifolaient au bord de la piscine et sous sa grotte, ont gagné une réputation dans le monde entier.

Des fêtes y sont encore régulièrement organisées mais les excès du passé ont été largement édulcorés, selon Eugena Washington, invitée pour Halloween: "Je n'ai surpris personne dans la grotte. Pas de quoi choquer des adolescents, mais c'était une vraiment vraiment une bonne soirée".

Le virage vers un plus grand public coïncide avec la mise en vente de la maison mère, pour quelque 500 million de dollars, et de la célèbre demeure elle-même, pour 200 millions de dollars.

Après avoir atteint jusqu'à sept millions d'exemplaires en 1972, la diffusion du magazine est tombée à quelque 800.000, selon son responsable éditorial Jason Buhrmester. Fidèle à son rôle de rédacteur en chef, Hugh Hefner, 90 ans, passe encore en revue toutes les pages.

"Il ne relit pas forcément chaque mot et ne corrige pas chaque article mais nous lui envoyons les maquettes deux fois par semaine pour qu'il donne son feu vert", explique Jason Buhrmester à l'AFP, dans un entretien organisé à la Playboy Mansion.

"Il aime savoir ce qui se passe, passer en revue les photos et éventuellement faire une modification ici ou là. C'est dur d'argumenter face au meilleur rédacteur en chef de magazine de l'histoire", lance-t-il.

"Un romantique"

Le pari pour des contenus assagis a déjà payé: le nombre de visiteurs uniques sur Playboy.com chaque mois a bondi et l'âge moyen des lecteurs en ligne a baissé de 47 à 30 ans, une cible plus appétissante pour les annonceurs.

Mais l'édition américaine du magazine est déficitaire, avec quelque six millions de dollars de pertes annuelles, toutefois compensées par les franchises de ses dizaines d'éditions internationales.

C'est Hugh Hefner qui a impulsé la nouvelle ligne de Playboy mais la décision du patriarche a divisé la famille, sa fille de 63 ans, Christie le soutenant avec ferveur tandis que son fils Cooper, âgé de 24 ans, a critiqué la décision.

Dans le secteur aussi sa décision a fait sensation. "Je savais qu'il vieillissait mais j'ignorais qu'il avait perdu sa tête", avait persiflé sur CNN son rival historique Larry Flint, de l'empire Hustler.

Playboy défend sa décision, pointant les nouveaux contrats publicitaires et les près de 1.200 points de ventes proposant le magazine pour la première fois.

"Au final, Hef vous dirait qu'il est un vrai romantique et que la nudité explicite n'a jamais été la priorité", confie Jason Buhrmester. "La suggestion, le romantisme, l'idée de la fille d'à côté ont toujours prédominé."

Avec AFP