Première commémoration des victimes de la guerre d’Algérie en France ce 19 mars

Des anciens combattants français de la guerre d'Algérie protestant contre le film Hors La Loi de Rachid Bouchareb en compétition au 63e Festival de Cannes le 21 mai 2010. (REUTERS/Eric Gaillard)

Le président François Hollande a retenu la date du 19 mars, qui fait polémique parmi les anciens protagonistes et leurs descendants.

Le chef de l’Etat français commémore samedi le cessez-le-feu décrété le 19 mars 1962 au lendemain des accords d'Evian qui ont posé les jalons de l'indépendance de l’Algérie.

Mais cette date est contestée par des associations de Français rapatriés d'Algérie et de harkis, les Algériens anciens supplétifs de l'armée française, qui y voient le début de leurs souffrances.

"Le 19 mars 1962, le général De Gaulle signe l'acte de mort des soldats français musulmans", écrit une des associations de harkis, le CNLH, qui a appelé à manifester samedi devant le mémorial harki de Rivesaltes (sud).

Après les accords d'Evian le 18 mars, 55.000 à 75.000 harkis ont, selon les historiens, été abandonnés en Algérie et victimes de sanglantes représailles. Quelque 60.000 ont été admis en France. Aujourd'hui, avec leurs descendants, ils représentent quelque 500.000 personnes en France.

La date retenue crispe aussi l'opposition de droite, qui compte de nombreux électeurs dans la communauté des Français rapatriés d'Algérie. Contrainte à l'exil à partir de 1962, cette communauté représente aujourd'hui un million de personnes.

Choisir le 19 mars, "c'est en quelque sorte, adopter le point de vue des uns contre les autres", tonne ainsi l'ex-président de droite Nicolas Sarkozy (2007-2012) dans une tribune publiée vendredi dans le quotidien Le Figaro. "C'est considérer qu'il y a désormais un bon et un mauvais côté de l'Histoire et que la France était du mauvais côté."

A l'extrême droite, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a accusé François Hollande de "violer la mémoire" des anciens combattants et harkis, de les "mépriser".

"Le 19 mars, ce n'est pas la commémoration d'une victoire ni celle d'une défaite. C'est simplement la reconnaissance des souffrances qui ont pu être endurées par toute une série de personnes différentes", a rétorqué le secrétaire d'Etat aux anciens combattants Jean-Marc Todeschini.

Pour lui, Nicolas Sarkozy "ravive la guerre des mémoires" pour "des raisons politiciennes" à l'approche d'une primaire de la droite pour désigner son candidat à la présidentielle de 2017.

En 2002, le gouvernement socialiste de Lionel Jospin avait déjà proposé une loi pour en faire une "journée nationale du souvenir". Le texte avait été enterré en raison de l'opposition du Sénat, contrôlé par la droite.

Afin de calmer les passions, l'ancien président de droite Jacques Chirac (1995-2007) avait alors sorti de son chapeau une date neutre, le 5 décembre 2002 (qui n'évoque aucun fait marquant en Algérie) pour inaugurer un monument célébrant la mémoire des victimes de la guerre d'Algérie, mais aussi celles des combats en Tunisie et au Maroc.

Peu après l'arrivée au pouvoir de François Hollande en 2012, la loi de 2002 est revenue au parlement, et a été adoptée, non sans polémique.

Samedi après-midi, François Hollande devait prononcer une allocution devant le mémorial inauguré par Jacques Chirac à Paris, avec une idée en tête: tenter "le compromis" pour instaurer "la paix des mémoires".

Son ambition est "d'embrasser toutes ces mémoires et de les faire entrer dans le récit de l'histoire de France", explique son entourage. "Ce n'est pas de faire disparaître les douleurs, ça n'est pas de nier les morts et les drames, c'est de les rappeler et de leur rendre hommage."

Avec AFP