François Compaoré ne veut pas être jugé au Burkina

Un homme brandit la photo du journaliste Norbert Zongo lors de ses funérailles à Ouagadougou, Burkina, 16 décembre 1998.

François Compaoré, frère de l'ex-président déchu burkinabè Blaise Compaoré, a indiqué mercredi à la justice française qu'il ne souhaitait pas être jugé au Burkina dans le cadre du procès sur l'assassinat du journaliste Norbert Zongo.

La cour d'appel de Paris doit statuer en mars sur la demande d'extradition émise par le Burkina Faso.

"A la question de savoir, comme la procédure l'exige, s'il consentait à être remis aux autorités judiciaires du Burkina Faso pour y être jugé, M. Paul François Compaoré a répondu 'Non'. Le dossier a alors été renvoyé au 07 mars 2018", assure le ministère de la Justice burkinabè dans un communiqué publié après l'audience devant la cour d'appel de Paris.

François Compaoré, poursuivi pour "incitation à assassinat" dans l'enquête sur la mort en 1998 du journaliste Norbert Zongo, a été arrêté à l'aéroport parisien de Roissy fin octobre.

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Réaction de la famille Zongo suite à l'arrestation de François Compaoré vidéo)

Au cours de l'audience devant la cour d'appel de Paris, "M. Paul François Compaoré a acquiescé qu'il est bel et bien Ivoirien et Burkinabè", selon le communiqué.

Norbert Zongo, journaliste d'investigation et directeur de publication de l'hebdomadaire L'Indépendant, ainsi que trois de ses compagnons ont été retrouvés morts calcinés dans leur véhicule le 13 décembre 1998 à Sapouy (sud du Burkina). L'audience de la cour d'appel avait - coïncidence du calendrier - lieu le jour-anniversaire de sa mort.

Norbert Zongo enquêtait sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré, frère cadet du président d'alors Blaise Compaoré.

Une commission d'enquête indépendante (CEI) instaurée sous la pression populaire a établi quelques mois plus tard que le journaliste avait été tué "dans le cadre de l'exercice de ses fonctions".

Enquête relancée en 2015

Classé en 2003, après un "non-lieu" en faveur du seul inculpé, le dossier Zongo a été rouvert à la faveur de la chute de M. Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir.

Le 15 décembre 2015, trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), l'ancienne garde prétorienne de M. Compaoré, ont été inculpés.

>> Lire aussi: Burkina Faso : trois inculpés dans l’affaire Norbert Zongo

Mercredi, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes du Burkina pour réclamer "vérité et justice" pour le journaliste.

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À Koudougou, sa ville natale, son nom a été donné à une avenue et à l'Université publique de la ville. "C'est de la poudre aux yeux, juste dire aux gens nous pensons à Norbert Zongo. Le meilleur hommage qu'on puisse lui rendre c'est faire la lumière et la justice sur le crime dont il a été victime", a affirmé le représentant local du Collectif des organisations de masse et des partis politiques contre l'impunité, Kizito Batio, à l'origine de la manifestation.

"Certains (membres) des autorités actuelles sont impliqués dans ce coup, voilà pourquoi on fait des pieds et des mains pour que la lumière ne soit pas faite", a-t-il ajouté.

François Compaoré s'est enfui du Burkina lors de l'insurrection populaire d'octobre 2014. Réfugiés en Côte d'Ivoire, les deux frères ont obtenu la nationalité ivoirienne.

'Détournement de procédure'

René Bagoro, le ministre burkinabè de la Justice, avait récemment assuré que la peine de mort n'"était plus appliquée au Burkina: "Cela permettra aux autorités françaises de ne pas craindre que l'intéressé soit torturé ni que ses droits ne soient respectés, ni qu'il soit soumis à des peines dégradantes ou humiliantes".

"Je pense que le Burkina Faso fait un détournement de procédure judiciaire pour stigmatiser un homme coupable de s'appeler Compaoré", avait toutefois affirmé son avocat français Pierre-Olivier Sur.

Il "a été entendu trois fois par la commission d'enquête internationale et trois autres fois par une juridiction d'instruction au Burkina, or chacune de ces deux procédures l'a disculpé" dans ce dossier, fait valoir son avocat.

Le président français Emmanuel Macron a évoqué l'affaire lors de sa visite fin novembre au Burkina:"Il appartient à la justice française de prendre sa décision, je ferai tout pour faciliter celle-ci", a-t-il affirmé devant des jeunes, annonçant aussi que tous les documents français concernant --une autre affaire épineuse-- l'assassinat de l'ancien président burkinabè Thomas Sankara en 1987 seraient "déclassifiés".

Avec AFP