Guterres en Centrafrique pour une première visite aux Casques bleus

Des ex-Séléka évacuent le Camp de Roux à Bangui, Centrafrique, 27 janvier 2014.

Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, est attendu mardi en Centrafrique, où les violences ont redoublé ces deniers mois dans les provinces, au moment où le mandat des 12.500 Casques bleus de la Minusca déployés dans le pays est sur le point d'être renouvelé.

"C'est un peu un geste de solidarité, pour être ce jour-là avec les forces de maintien de la paix dans un des environnements les plus dangereux", a-t-il expliqué dans un entretien à l'AFP.

Cette visite en Centrafrique - "une crise dramatique mais une crise oubliée" -, sera sa première visite à une mission de maintien de la paix depuis sa prise de fonctions le 1er janvier.

Elle intervient dans un contexte financier délicat pour l'ONU, avec une forte pression du président américain Donald Trump pour des coupes budgétaires au sein de l'organisation internationale et certaines de ses missions de paix.

Elle coïncidera par ailleurs avec la "journée des Nations unies", proclamée en 1947 et qui marque l'entrée en vigueur de la charte de l'ONU.

Pour M. Guterres, le "niveau de souffrances du peuple (centrafricain) mais aussi les drames subis par les humanitaires et les forces de maintien de la paix méritent une solidarité et une attention accrues".

Le secrétaire général arrivera à Bangui dans un contexte sécuritaire tendu: si la capitale reste épargnée par les violences, groupes armés et autre milices "d'autodéfense" ont repris leurs affrontements à grande échelle dans le Sud-Est, dans le centre et dans le Nord-Ouest, faisant des centaines de morts parmi les populations civiles, invariablement prises pour cibles.

Déplacement à Bangassou

Douze Casques bleus ont été tués depuis le début de l'année, notamment à Bangassou (six morts en mai), où doit se rendre M. Guterres. "Il veut aller leur rendre hommage", dit-on à l'ONU à Bangui.

Cette région, en particulier l'axe Alindao-Bangassou, est théâtre d'affrontements et massacres à répétition ces dernières semaines, faisant des dizaines de tués, selon des bilans encore provisoires.

La visite de M. Guterres en RCA, quelques semaines avant le très probable renouvellement du mandat de la Minusca (12.500 hommes depuis 2014, alors que la France a mis fin en 2016 à sa mission militaire Sangaris), est un message politique fort, à un moment où les critiques pleuvent sur la mission de l'ONU.

Accusés par leurs détracteurs de "passivité" et parfois même de "collusion" face aux groupes armés, les contingents onusiens font aussi face à une avalanche d'accusations d'agressions sexuelles.

En juin, un bataillon de plus de 600 soldats du Congo-Brazzaville avait été renvoyé chez lui après des accusations d'agressions sexuelles et divers trafics. En 2016, 120 Casques bleus congolais avaient déjà été renvoyés pour les mêmes motifs.

Accompagné de Jane Connors, avocate des droits des victimes de l'ONU, le secrétaire général a déclaré vouloir rencontrer des victimes d'abus et leurs familles.

Ancien haut-commissaire de l'ONU pour les réfugiés, M. Guterres connait bien la Centrafrique, où il s'est rendu à plusieurs reprises.

'Impunité zéro'?

Il lui sera sans doute demandé de se prononcer sur les "signes avant-coureurs de génocide" dont s'était alarmé fin août son secrétaire général adjoint pour les Affaires humanitaires, Stephen O'Brien, mais démenti depuis par un autre responsable onusien, Adama Dieng, conseiller spécial de l'ONU pour la prévention du génocide. Ce dernier a pointé des "indicateurs" pouvant "aboutir, (...) s'ils ne sont pas maîtrisés, aux crimes de génocide".

A Bangui, cette visite est très attendue : "Les Casques bleus doivent plus nous aider et être plus présents, il faut que le chef de l'ONU leur dise", dit Régis, déplacé de l'est du pays et désormais Banguissois.

Au pouvoir depuis un an, le président Faustin-Archange Touadéra, dont l'élection en 2016 avec le plein soutien de l'ONU et de la France avait suscité une vague d'espoir, n'a pas réussi jusqu'à présent à restaurer l'autorité de l'Etat.

Sa décision d'intégrer des représentants des groupes armés au sein du gouvernement, malgré ses promesses d'une "justice implacable", a suscité le scepticisme, alors que ces mêmes groupes sont unanimement désignés comme les principaux responsables des violences.

Les Nations unies plaident pour une "impunité zéro" pour les auteurs de crimes commis en Centrafrique. La Minusca tente par ailleurs depuis septembre de mettre en oeuvre un délicat programme de désarmement (DDR) des membres des groupes armés.

Dans un rapport présenté au Conseil de sécurité, le secrétaire général a demandé l'envoi de 900 hommes supplémentaires pour la Minusca.

"Ce n'est pas de la quantité qu'il faut ajouter, c'est de la qualité", estime quant à lui un soldat d'un contingent africain de la force de l'ONU.

Avec AFP