Hissène Habré, 73 ans, a été condamné le 30 mai 2016 pour crimes de guerre, crimes contre l'humanité, tortures et viols par les Chambres africaines extraordinaires (CAE), créées en vertu d'un accord entre l'Union africaine (UA) et le Sénégal, où il s'est réfugié après avoir été renversé en décembre 1990 par l'actuel président tchadien Idriss Déby Itno.
Il a ensuite été condamné en juillet à payer jusqu'à 20 millions de francs CFA (plus de 30.000 euros) par victime.
Face à son refus, tout au long du procès qui s'était ouvert le 20 juillet 2015, de s'exprimer ou d'être représenté devant une juridiction qu'il récuse, la Cour présidée par un magistrat burkinabè, Gberdao Gustave Kam, a désigné trois avocats commis d'office pour assurer sa défense.
Ce sont ces trois avocats qui ont fait appel de sa condamnation et non les conseils désignés par l'accusé qui, selon ses instructions, ont boycotté les débats.
"Nous avons motivé notre appel par des vices de forme, des violations de la loi et (des droits) de la défense, des erreurs de procédure", a déclaré à l'AFP l'un des avocats commis d'office, Me Mbaye Sène, qui a indiqué ne pas vouloir dévoiler sa "stratégie".
La présence lundi à la barre de l'ex-président tchadien (1982-1990), qui avait été contraint par la force publique à comparaître en première instance, était incertaine.
"C'est la grosse inconnue", a indiqué à l'AFP Marcel Mendy, porte-parole des CAE.
"Habré pourrait être dispensé de comparution. Sa présence pouvait se justifier si on avait prévu l'audition de certains témoins, mais cela relève de la compétence exclusive du président" de la cour, le Malien Wafi Ougadèye, a souligné M. Mendy.
- Exemple pour la CPI -
Les avocats désignés par l'accusé continueront pour leur part à boycotter "un procès d'appel pour les avocats commis d'office", a affirmé à l'AFP l'un d'entre eux, Ibrahima Diawara.
"Habré estime que cela ne le regarde ni de près, ni de loin. Il ne va pas comparaître. On verra si la Chambre usera de la force pour le faire venir comme la dernière fois", a ajouté Me Diawara.
Après un propos introductif du président lundi, la parole sera donnée à la défense, puis aux parties civiles et au parquet, pour se conclure par les plaidoiries des parties civiles puis de la défense.
"On n'aura pas de témoin à auditionner. C'est une décision souveraine de la Chambre qui a décidé de ne pas donner suite aux demandes des avocats de Habré", a souligné Marcel Mendy.
La défense avait demandé l'audition de huit témoins, dont Idriss Déby Itno et Khadija Hassan Zidane, qui avait affirmé pendant le procès avoir été violée par Hissène Habré lui-même, un témoignage qui avait convaincu la cour.
Les débats devraient durer plusieurs jours, la décision finale étant attendue le 30 avril au plus tard, date de la fin du mandat des juges d'appel.
Le verdict sera définitif. En cas de condamnation, Hissène Habré purgera sa peine au Sénégal ou dans un autre pays de l'UA.
Le procès en première instance a acquis une dimension historique, selon le juriste américain Reed Brody, qui travaille avec les victimes du régime Habré depuis 1999.
"Pour la première fois, des tribunaux d'un État ont jugé l'ancien dirigeant d'un autre État pour des supposées violations des droits de l'homme", a-t-il rappelé dans un communiqué, ajoutant qu'"un ancien dictateur n'avait encore jamais été personnellement reconnu coupable de viol par une cour internationale".
Dans une tribune en novembre, au plus fort de la crise entre la Cour pénale internationale et les pays africains, dont plusieurs ont décidé de se retirer, Reed Brody invitait la CPI à s'inspirer de l'exemple du procès Habré en mobilisant "ses alliés les plus convaincants : les victimes d'atrocités".
Une commission d'enquête tchadienne estime le bilan de la répression sous Hissène Habré à quelque 40.000 morts.
Avec AFP