HRW accuse les forces de sécurité Kenyane de meurtres et d'enlèvements

Le cercueil de l'avocat défenseur des droits de l'homme Willie Kimani, qui a été tué avec son chauffeur et son client, lors d'une messe à Nairobi, Kenya, le 8 juillet 2016.

Les forces de sécurité kényanes se livrent à des enlèvements et des exécutions extrajudiciaires dans le nord-est du Kenya, contre des personnes qu'ils soupçonnent de liens avec des extrémistes islamistes, accuse mercredi dans un rapport Human Rights Watch (HRW).

L'organisation de défense des droits de l'Homme a documenté 34 "disparitions forcées" et 11 "exécutions extrajudiciaires" présumées ces deux dernières années dans le cadre d'opérations antiterroristes menées dans les comtés de Garissa, Mandera et Wajir, où la population est majoritairement d'ethnie somali.

"Les gens dans le nord-est du Kenya méritent d'être protégés contre les attaques des shebab, pas de subir de mauvais traitements de la part des autorités", estime le directeur exécutif de HRW, Ken Roth, ajoutant que les cas révélés par son organisation ne sont que "le sommet de l'iceberg".

Le rapport décrit comment des gens ont été enlevés chez eux par des hommes masqués et armés, qui ne se sont pas identifiés, ou ont été battus dans les rues avant d'être emmenés dans des véhicules gouvernementaux.

Certaines des personnes disparues ont été vues pour la dernière fois sous la garde de policiers ou de militaires. Aucune d'entre elles n'a été inculpée pour un quelconque crime, et leurs familles n'ont jamais été en mesure de retrouver leur trace.

"Rafler les gens et ensuite refuser de dire ce qu'ils sont devenus est un crime grave et ne fait qu'accroître la peur et la défiance à l'encontre des forces de sécurité", considère Ken Roth.

La police antiterroriste kényane (ATPU) est régulièrement accusée d'intimider ou de tuer des suspects, plutôt que de les arrêter.

Les défenseurs des droits de l'Homme et universitaires mettent en garde contre le risque pour le gouvernement de se mettre à dos et de radicaliser les populations locales avec ces méthodes brutales.

Ces mises en garde sont ignorées, déplore HRW, qui observe que plusieurs composantes des forces de sécurité emploient les mêmes méthodes dans le nord-est du Kenya, sous la supervision du Conseil national de sécurité, composé du président Uhuru Kenyatta et de plusieurs ministres.

Ces différents organismes sont la police nationale, la police administrative, l'ATPU, le Service national de renseignement, le Renseignement militaire, l'armée et même le Service de protection de la faune (KWS).

Les victimes de ces meurtres et enlèvements sont principalement des hommes âgés de 20 à 40 ans et d’ethnies somalies.

"C'est une pratique de mauvais traitements commis par plusieurs organismes, avec une structure opérationnelle sophistiquée qui remonte jusqu'aux plus hauts sommets du gouvernement", dénonce Ken Roth.

Le rapport de HRW pointe également du doigt le nouveau Centre national de contre-terrorisme (NCTC), établi pour coordonner les opérations antiterroristes du Kenya, ainsi que des donateurs qui soutiennent les forces de sécurité kényanes, comme l'Union européenne, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni.

Depuis qu'il a décidé en 2011 d'envoyer des troupes en Somalie, pour combattre les islamistes radicaux shebab affiliés à Al-Qaïda, le Kenya a été frappé par plusieurs attaques de grande ampleur.

Les shebab s'en sont pris au centre commercial Westgate à Nairobi en 2013 (67 morts) et à l'université de Garissa en 2015 (148 morts), et ont tué une centaine de personnes dans des localités de la côte kényane en 2014.

Le KWS a été le seul service kényan à réagir aux accusations de HRW, en disant "ne pas être au courant" de quelconques disparitions.

Avec AFP