Tirant le bilan d'un résultat historiquement bas pour son parti chrétien-démocrate (CDU) lors d'une élection régionale à Berlin dimanche (17,6%), la chancelière allemande a défendu à nouveau, pour des raisons humanitaires, sa décision il y a un an d'ouvrir massivement les frontières allemandes aux réfugiés fuyant la guerre en Syrie.
Mais elle a dans le même temps, pour la première fois sans doute aussi clairement, reconnu des erreurs.
- Merkel voudrait "remonter le temps" -
"Si je pouvais, je remonterais le temps de plusieurs années en arrière afin de pouvoir, avec le gouvernement et les autres décideurs, mieux nous préparer à la situation qui nous a pris un peu de court à la fin de l'été 2015", lorsque des dizaines de milliers de réfugié ont afflué en Allemagne, a déclaré Angela Merkel à la presse.
"Dieu sait à quel point nous n'avons pas pris que de bonnes décisions au cours des dernières années" en matière migratoire, a-t-elle ajouté.
La chancelière a promis de tout faire pour éviter un nouveau chaos comme celui de l'automne 2015, qui a abouti à une "perte de contrôle" partielle aux frontières.
"Personne, moi non plus, ne veut qu'une telle situation ne se reproduise", a-t-elle assuré. Elle a aussi dit vouloir "mieux expliquer" sa politique et a reconnu que l'intégration des réfugiés demanderait du temps.
Symboliquement, Angela Merkel a en particulier promis de ne plus utiliser son slogan de 2015 sur l'accueil des migrants - "nous y arriverons!" - qui lui vaut depuis critiques et railleries de ses adversaires. La formule est devenue "creuse", a-t-elle convenu.
Déstabilisée à la suite d'une série de cinq défaites dans des élections régionales, la chancelière cherche manifestement à donner quelques gages à l'opinion mécontente de la politique d'ouverture aux migrants.
Il n'est pas certain toutefois que cela suffise à la rabibocher avec son allié conservateur bavarois, le parti CSU, qui lui demande en vain un plafonnement annuel du nombre de réfugiés.
Les conservateurs allemands "sont menacés d'une perte de confiance énorme et durable du coeur de leur électorat", s'est inquiété un des responsables de la CSU, Markus Söder, parlant d'un "signal d'alarme".
La CDU a perdu du terrain notamment au profit de la nouvelle force politique montante, le parti anti-migrants Alternative pour l'Allemagne (AfD), qui en raflant 14,2% est en train de réussir à briser un tabou d'après-guerre: celui d'installer durablement une formation de droite populiste, flirtant dans certains domaines avec les thèses d'extrême droite.
- les législatives de 2017 en ligne de mire -
Après avoir fait figure d'exception, l'Allemagne est elle aussi gagnée par la vague mondiale qui porte les mouvements populistes nationaux-conservateurs, en Europe mais aussi aux Etats-Unis avec la popularité de Donald Trump.
La percée de l'AfD dans une grande métropole comme Berlin, réputée branchée et ouverte sur le monde, confirme que le parti né il y a trois ans n'est plus cantonné aux zones déshéritées de l'ex-RDA, où il a ses fiefs, ce qui le place en très bonne position pour entrer dans un an à la chambre des députés lors des législatives.
"La compétition entre l'AfD et la CDU pour la domination du camp conservateur est désormais pleinement ouverte", a trompeté lundi la numéro deux du mouvement à Berlin, Beatrix von Storch, ajoutant qu'Angela Merkel allait devoir "lutter pour sa survie en 2017" avec les législatives de l'automne.
La chancelière ne paraît néanmoins pas encore menacée car son parti n'a guère d'alternative.
"Merkel utilise l'incertitude de la CDU sur ce qui pourrait se passer au cas où elle partirait", estime lundi le quotidien Süddeutsche Zeitung. Elle devrait annoncer si elle brigue un nouveau mandat à la chancellerie, le quatrième, lors du congrès de la CDU en décembre.
Avec AFP