Uhuru, 55 ans, un multi-millionnaire éduqué aux États-Unis, avait été élu président en 2013, un demi-siècle après son père Jomo Kenyatta, le premier chef d'État (1964-1978) du Kenya indépendant.
Chef de file de la communauté kikuyu, il avait noué une alliance avec son vice-président William Ruto, un Kalenjin, qui avait fait oublier que les deux ethnies s'étaient entretuées lors des violences post-électorales de 2007-2008 (plus de 1.100 morts).
Les deux hommes avaient été inculpés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans ces violences, avant d'être plus tard exonérés, faute de preuves et après la rétractation de nombreux témoins.
En 2013, ils avaient habilement transformé cette inculpation en atout politique, en convainquant nombre d'électeurs qu'ils étaient victimes d'un tribunal "néo-colonial".
Charismatique et moderne pour les uns, héritier dilettante pour les autres, Kenyatta a passé une bonne partie de son mandat à se dépêtrer des accusations de la CPI, qui avaient amené de nombreux pays occidentaux à se détourner de lui.
Après l'abandon des poursuites à son encontre fin 2014, le Kenya est redevenu fréquentable. Il a accueilli le président américain Barack Obama puis le pape François, et toute une série d'événements internationaux et de conférences.
- Empire financier -
Ce premier mandat a débouché sur de grands projets d'infrastructures, dont la nouvelle ligne ferroviaire entre la capitale Nairobi et le port de Mombasa (sud-est) sur l'océan Indien, et une solide croissance économique. Mais la dette publique s'est accrue, comme les inégalités.
Le terrorisme a été une menace constante avec les attaques meurtrières des militants islamistes somaliens shebab contre le centre commercial Westgate à Nairobi en 2013 et contre l'université de Garissa (est) en 2015.
Uhuru ("liberté" en swahili) est le deuxième enfant et premier fils du couple formé par Jomo Kenyatta et sa quatrième épouse "Mama" Ngina. Il est né le 26 octobre 1961, quelques mois après la libération de son père, emprisonné pendant près de dix ans par le pouvoir colonial britannique.
L'empire financier de la famille Kenyatta, une des plus riches d'Afrique, comprend notamment l'entreprise laitière Brookside, la banque CBA (Commercial Bank of Africa), le groupe de média Mediamax et un groupe d'hôtels de luxe.
Elle est surtout le principal propriétaire terrien du Kenya, à la tête de plus de 200.000 hectares de terres achetées par Jomo au moment de l'indépendance, via un programme de transfert foncier à bas prix qui, selon ses détracteurs, a surtout profité à quelques privilégiés.
En 2011, le magazine Forbes avait estimé la fortune d'Uhuru à 500 millions de dollars (423 millions d'euros). Mais malgré son éducation élitiste, il reste proche des gens, n'hésitant pas à parler aux jeunes en argot ou à esquisser quelques pas de danse.
- Bataille entre dynasties -
La réputation de fêtard de sa jeunesse n'a jamais vraiment disparu. "Les handicaps de Kenyatta sont au moins aussi importants que ses forces. Il boit trop et n'est pas un bourreau de travail", écrivait mi-2009 l'ambassadeur américain à Nairobi dans un télégramme publié par Wikileaks.
Regard alourdi par de profondes poches sous les yeux, marié et père de trois enfants, Uhuru ne doit pas son ascension à son père, mort alors qu'il était adolescent, mais au successeur de ce dernier, l'autocrate Daniel arap Moi (1978-2002).
Celui-ci le propulse candidat de la Kanu à la présidentielle de 2002, suscitant l'ire des caciques de l'ex-parti unique. Battu, il devient le chef de l'opposition, avant de soutenir la réélection de Mwai Kibaki à la présidentielle du 27 décembre 2007, face à Raila Odinga.
La courte victoire de Kibaki est contestée et débouche sur des tueries politico-ethniques qu'on le soupçonne à l'époque d'avoir alimentées en mobilisant le gang criminel kikuyu des Mungiki contre des communautés rivales.
Après l'accord de partage du pouvoir qui a mis fin aux violences, il devient vice-Premier ministre et ministre des Finances du gouvernement de coalition formé par Odinga.
Ce dernier est à nouveau son adversaire, comme en 2013 lorsqu'il avait contesté sa victoire en justice. Mais Odinga peut compter cette fois-ci sur une opposition unie derrière lui et les deux camps sont donnés au coude à coude par les sondages.
Raila, 72 ans, est le fils de Jaramogi Oginga Odinga, lequel fut brièvement vice-président après l'indépendance avant d'être écarté du pouvoir par Jomo Kenyatta. Et cette élection s'annonce comme la dernière bataille entre ces deux grandes dynasties kényanes.