L’ONU dénonce un "nettoyage ethnique" dans plusieurs régions du Soudan du Sud

Une jeune fille déplacée pour les violences ethniques attend la distribution de la nourriture dans un centre de l’UNICEF à Aweil, Soudan du Sud, 16 septembre 2016.

Un processus de "nettoyage ethnique est en cours" dans plusieurs régions du Soudan du Sud, ont affirmé jeudi des experts de l'ONU au terme d'une mission de dix jours dans ce pays en guerre depuis décembre 2013.

"Il y a déjà un processus régulier de nettoyage ethnique en cours dans plusieurs zones du Soudan du Sud", qui se traduit notamment par la "faim extrême, des viols collectifs et la destruction de villages", a déclaré dans un communiqué Yasmin Sooka, la chef d'une délégation du Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme.

"Partout où nous sommes allés dans le pays, nous avons entendus des villageois dire qu'ils étaient prêts à répandre du sang pour récupérer leurs terres", a-t-elle ajouté, sans viser un camp en particulier. "Beaucoup nous ont dit que le point de non-retour avait été atteint".

Mme Sooka s'exprimait à la suite d'une visite de 10 jours de la délégation dans les villes clés de Bentiu (nord), Malakal (nord-est) et Wau (nord-ouest), mais aussi dans la capitale Juba, à la rencontre de responsables gouvernementaux, de membres de la société civile et de victimes du conflit.

Mme Sooka avait déjà tenu mercredi une conférence de presse à Juba. Elle y avait évoqué "des niveaux sans précédent de violences et de tensions ethniques partout au Soudan du Sud", sans pour autant utiliser le terme de "nettoyage ethnique".

Elle avait également soutenu que les forces fidèles au président Salva Kiir et les forces rebelles fidèles à l'ancien vice-président Riek Machar recrutent de force de nouveaux soldats, dont des enfants. Elle avait dès lors dit craindre une intensification des combats avec le retour de la saison sèche.

Indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud a plongé en décembre 2013 dans une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts et plus de 2,5 millions de déplacés.

Dans le communiqué, la chef de la délégation de l'ONU a soutenu que "tout est là pour que ce qui s'est passé au Rwanda se répète, et la communauté internationale a l'obligation de l'empêcher".

A la mi-novembre, le conseiller spécial de l'ONU sur la prévention du génocide, Adama Dieng, avait déjà affirmé devant le Conseil de sécurité avoir vu au Soudan du Sud "tous les signes qui montrent que la haine ethnique et le ciblage des civils peuvent déboucher sur un génocide si rien n'est fait pour l'empêcher".

Rappelant les déclarations de M. Dieng, Mme Sooka a énuméré jeudi "de nombreux signaux d'alerte d'un génocide imminent qui sont déjà présents: un conflit en cours, des identités ethniques polarisées, une déshumanisation, une culture du déni, des déplacements de population sur la base de l'ethnie et dans certains cas des indications de violations systématiques ainsi que d'une planification".

"Mais l'important, a-t-elle soutenu, c'est qu'il est encore temps de l'empêcher".

Les experts de l'ONU ont renouvelé un appel en faveur d'un embargo sur les armes, de sanctions, du déploiement de 4.000 soldats de maintien de la paix supplémentaires et de la création d'un tribunal spécial sur les crimes de guerre.

Avec AFP