La corruption pille les ressources en Afrique et appauvrit les Africains

Audience à la Cour suprême du Kenya à Nairobi, Kenya, le 14 novembre 2017.

L’Afrique subsaharienne n’a montré aucune amélioration significative dans la lutte contre la corruption au cours des dix dernières années, selon l'indice de corruption publié le 25 janvier 2022 par l'ONG Transparency International.

Entre 2011 et 2021, l’Afrique a un score global moyen de 33 sur 100, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International. L'enquête souligne que "le Covid-19, les conflits armés prolongés et les menaces terroristes croissantes, exacerbent les graves problèmes de corruption qui minaient déjà depuis longtemps le continent."

De hautes personnalités impliquées

Le danger de cette grande corruption systémique c’est qu’elle implique de hauts fonctionnaires et d’importantes sommes d’argent. En plus, elle s’accompagne souvent de graves violations des droits humains. Pourtant, l’impunité reste la norme plutôt que l’exception”, s’inquiète Transparency.

En 2021, l’enquête des Pandora Papers a révélé que près de 50 personnalités politiques et au moins cinq chefs d’État africains – actuels ou anciens – abusaient du système financier mondial et transféraient secrètement des montants colossaux en dehors du continent.

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Au Nigeria, plus de 100 hautes personnalités ont été citées parmi ceux qui utilisent des sociétés anonymes pour acheter des propriétés d’une valeur totale de 350 millions de livres sterling, rien qu’au Royaume-Uni.

Fin 2021, les enquêtes "Congo Hold-Up" ont révélé que des personnes appartenant au cercle intime de l’ancien président de la RDC, Joseph Kabila-Kabange, auraient détourné des fonds de la banque centrale du Congo, d’une entreprise minière contrôlée par l’État et de l’administration fiscale, entre autres.

En Guinée équatoriale, le ministre du Pétrole Gabriel Mbega Obiang Lima – fils du président Teodoro Obiang – aurait siphonné des millions de fonds publics et des pots-de-vin vers l’étranger.

Sonnette d’alarme

Transparency estime que “les gouvernements doivent de toute urgence revenir sur les restrictions disproportionnées imposées aux libertés civiles et cesser d'utiliser le Covid-19 ou les conflits en cours comme prétexte pour étouffer la dissidence.

Les résultats de l’IPC 2021 “devraient servir de sonnette d’alarme aux sociétés de l’Afrique subsaharienne”, indique le rapport. Il suggère que "l’ampleur des défis posés par la corruption exige des réponses plus audacieuses que jamais. Lorsque des allégations d'abus surviennent, les agences de lutte contre la corruption et les institutions judiciaires doivent demander des comptes – peu importe le pouvoir dont disposent les coupables."

Malheureusement cela n’est pas le cas.

Besoin de plus de justice

L’ancien président de l’Afrique du Sud, Jacob Zuma, est l’un des rares chefs d’État à avoir fait l’objet d’accusations de corruption dans son propre pays. Des mesures positives ont été prises pour dénoncer et éliminer la corruption de haut niveau, notamment la mise en place d'une commission d’enquête sur la “Capture de l’État ", plus connue sous le nom de “Commission Zondo”, du nom du juge qui la préside.

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Cela n’a pas été le cas au Sénégal, où le président Macky Sall et son frère Aliou Sall ont été cités dans une affaire de corruption internationale, suite aux droits de concession pour deux blocs pétroliers offshore en 2019. Pour répondre à la pression publique, Aliou Sall a démissionné de ses fonctions publiques, mais a rejeté les allégations selon lesquelles il aurait reçu des paiements secrets. Finalement, l’enquête sur son rôle dans cette affaire a été abandonnée. Transparency International a demandé l’ouverture d’enquêtes dans six pays qui ont compétence sur cette affaire.

En 2020, l'ONG Freedom House a rétrogradé la note du Sénégal de “libre “ à “partiellement libre”, dénonçant l’engagement de poursuites pour corruption à des fins politiques contre des figures de l’opposition. Les médias fonctionnent avec une relative liberté, mais les lois sur la diffamation limitent les libertés civiles. Beaucoup de Sénégalais craignent des représailles en cas de dénonciation d'actes de corruption présumée.

Ces faits obscurcissent la performance du Sénégal qui s’est pourtant un peu améliorée grâce, entre autres, à la création de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) et l’adoption des réformes, dont la loi sur la déclaration de patrimoine.

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Toutefois, l’application inégale de la législation anti-corruption et le manque de rigueur des institutions de lutte contre la corruption – comme l’OFNAC, malgré de nombreuses dénonciations de la mauvaise gestion des fonds publics et des ressources naturelles – sont des préoccupations majeures.

Transparency estime que justice a été rendue dans le cas du vice-président équato-guinéen, Teodorin Obiang, qui a été définitivement condamné pour corruption en France dans un procès intenté par Transparency International France et l'association Sherpa. La condamnation a conduit à la confiscation des biens de M. Obiang tenus en France, d’une valeur d’environ 150 millions d’euros.