La Cour suprême examine le recours de l'opposition au Kenya

Des militants du candidat à la présidentielle Raila Odinga, de la National Super Alliance (NASA), manifestent à l'extérieur de la Cour suprême à Nairobi, le 18 août 2017.

La Cour suprême du Kenya a commencé lundi à examiner sur le fond le recours pour irrégularités déposé par l'opposant Raila Odinga qui conteste la réélection du président sortant Uhuru Kenyatta lors du scrutin du 8 août.

L'opposition, qui estime que l'élection a été entachée de nombreuses fraudes, avait saisi la Cour suprême le 18 août. L'instance, composée de sept juges, dispose de 14 jours à compter de cette date, soit jusqu'au vendredi 1er septembre, pour rendre son avis qui est définitif.

Après une semaine consacrée au dépôt par écrit des arguments de la coalition d'opposition Nasa, et des contre-arguments de la Commission électorale (IEBC) et de M. Kenyatta, l'équipe juridique de M. Odinga a commencé lundi à exposer ses griefs.

"Une élection doit être conduite conformément à la loi" et les irrégularités constatées "ne peuvent pas être considérées comme des infractions mineures", a déclaré James Orengo, l'avocat principal de l'opposition, qui est aussi l'un des hauts dirigeants de Nasa, coalition de l'opposition.

Un important déploiement policier entourait la Cour, toutes les rues attenantes étant bloquées. Une centaine de personnes étaient rassemblées à l'intérieur.

Soit la cour valide l'élection et M. Kenyatta, 55 ans, sera investi une semaine plus tard pour un second mandat de cinq ans. Soit elle annule le scrutin, et l'IEBC disposera de 60 jours pour organiser une nouvelle présidentielle.

Violences policières

Nasa conteste la réélection de M. Kenyatta, déclaré vainqueur le 11 août avec 54,27% des voix contre 44,74% à M. Odinga, qui se représentait, à 72 ans, pour la quatrième fois après avoir déjà échoué en 1997, 2007 et 2013.

L'annonce de la victoire de M. Kenyatta avait déclenché deux jours de manifestations et d'émeutes réprimées par la police dans des bidonvilles de Nairobi et dans l'Ouest, des bastions de l'opposition.

Au moins 21 personnes, dont un bébé et une fillette de neuf ans, ont été tuées les 11 et 12 août, pour l'essentiel par la police, selon un bilan de l'AFP établi à partir de sources policières, hospitalières et d'un rapport de Human Rights Watch.

HRW a estimé que l'élection avait été "marquée par de graves violations des droits de l'homme, dont des meurtres illégaux et passages à tabac par la police lors de manifestations et d'opérations de fouille des maisons dans l'ouest du Kenya".

Les observateurs craignent que de nouvelles violences n'éclatent si la Cour suprême donne tort à M. Odinga, comme elle l'avait fait en 2013.

Pour l'opposition, le scrutin présidentiel a été "si mal conduit et entaché de tellement d'irrégularités qu'il importe peu de savoir qui a gagné ou qui a été déclaré vainqueur".

Des erreurs 'délibérées'

Nasa estime que le processus de compilation et de vérification des résultats a été marqué par des erreurs et incohérences "délibérées et calculées", qui affectent les résultats portant sur "au moins 7 millions de voix", soit plus du tiers des inscrits.

L'opposition affirme qu'environ 10.000 procès-verbaux sur près de 41.000 n'avaient pas été reçus par l'IEBC quand cette dernière a proclamé la victoire de M. Kenyatta.

Elle assure également que des procès-verbaux comptant pour près de 600.000 votes ont été signés par des assesseurs qui n'étaient pas habilités à le faire et que les résultats de certains bureaux ont été modifiés au moment de leur transmission.

"Ces erreurs semblent suivre un schéma cohérent, c'est-à-dire gonfler le nombre de votes pour M. Kenyatta et diminuer le nombre de votes pour Raila Odinga", a soutenu Otiende Amollo, autre avocat de l'opposition.

La Cour a accédé à une requête de l'opposition qui réclamait l'accès à tous les serveurs du système électronique de l'IEBC, ses pare-feux, les données GPS des kits de collecte et transmission des résultats, ainsi que les copies originales des procès-verbaux.

Les avocats de l'IEBC et de son président se sont relayés pour contester les accusations de l'opposition.

Me Paul Muite a souligné que le principe de la souveraineté du peuple devait primer sur toute autre considération et a invité la cour à examiner la totalité des procès-verbaux.

L'IEBC reconnaît avoir décelé quelques "erreurs humaines commises par inadvertance", mais assure les avoir corrigées.

Dès le lendemain de l'élection, Nasa avait multiplié les accusations de fraude, pointant du doigt le système électronique qu'elle avait tout fait pour promouvoir dans l'espoir d'éviter les fraudes.

Avec AFP