"Mugabe, la partie est terminée", lance un étudiant en sciences politiques, Innocent Kabadura.
"Il a eu le culot de nous souhaiter bonne nuit hier soir, sans même avoir annoncé sa démission. On ne va pas rester les bras croisés tant qu'il n'est pas parti", assure un de ses camarades, Percy Kina, 21 ans.
Dimanche soir, lors d'une adresse très attendue à la nation, le président Mugabe, âgé de 93 ans, a superbement ignoré les pressions de son parti, de l'armée et de la rue exigeant qu'il rende les clés d'un pouvoir qu'il détient depuis trente-sept ans.
"Je vous remercie et bonne nuit", a-t-il conclu son intervention surréaliste.
Pendant une vingtaine de minutes, il a hésité sur les mots, s'est emmêlé dans les pages et n'a péniblement retrouvé le fil de son discours que grâce à l'aide du général Constentino Chiwenga, celui-là même qui a dirigé le coup de force des militaires dans la nuit du 14 au 15 novembre.
Pas un mot sur une éventuelle démission. A l'inverse, Robert Mugabe a annoncé qu'il présiderait les débats de son parti en décembre. Quelques heures plus tôt, il avait pourtant été évincé de la direction de la Zanu-PF.
"On est écoeurés et déçus" pas ce discours, résume Shepherd Raradza, à la tête du mouvement étudiant.
Grace en ligne de mire
Sur le campus de l'université d'Harare, les examens ont été reportés lundi sine die. Jusqu'à l'abdication du dirigeant de 93 ans, assurent les manifestants.
"Nos examens ont été différés. Mais à quoi bon obtenir un diplôme si on ne décroche pas de boulot ?", estime Shepherd.
Le Zimbabwe est plongé depuis plus d'une décennie dans une crise économique interminable: environ 90% de sa population active est au chômage.
Des étudiants brandissent le drapeau national, d'autres des portraits d'Emmerson Mnangagwa, dont l'éviction de la vice-présidence le 6 novembre a provoqué l'intervention de l'armée.
Aucun militaire n'est visible à proximité de la manifestation. "En avant nos soldats", "Mugabe et sa femme doivent tomber", scandent les manifestants.
Avec son mari, la Première dame Grace Mugabe cristallise toutes les rancoeurs sur le campus de l'université d'Harare.
En 2014, l'ancienne secrétaire du président y a décroché un doctorat en philosophie et sociologie. Sa thèse devait - comme c'est la norme - être mise à disposition à la bibliothèque de l'université. Elle ne l'a jamais été.
"Ils veulent qu'on étudie et qu'on passe des examens, mais la Première dame n'a rien fait de tout ça", assure Innocent, qui dénonce un "diplôme sexuellement transmis".
"On veut que le numéro 2 de l'université nous explique comment Grace Mugabe a obtenu son diplôme", renchérit Shepherd.
Dans leurs doléances remises aux responsables de la faculté, les manifestants exigent l'annulation pure et simple de ce diplôme. "On appelle toutes les universités à participer aux manifestations contre Mugabe", lance Percy, alors que seul le campus de l'université d'Harare s'est mobilisé lundi.
Les influents anciens combattants ont eux appelé à descendre dans la rue mercredi. "On est l'avant-garde de la révolution", s'enthousiasme Percy.
Avec AFP