En bas d'une piste sablonneuse, après la carcasse desséchée d'un animal, s'étendent quelques cabanes à moitié construites, dont le gouvernement éthiopien et les ONG espèrent qu'elles permettront d'atténuer les effets dramatiques des sécheresses à répétition.
Le futur village de Dabafayed, dans le sud-est de l'Ethiopie, doit permettre de loger plus d'une centaine d'éleveurs jusque-là nomades et laissés dans le dénuement par l'absence de pluie.
>> Lire aussi : Ethiopie : l'ONU déplore la plus grave sécheresse depuis 30 ans
Pour eux, le changement de vie s'annonce radical mais il n'y a, selon des responsables éthiopiens, pas d'autre solution.
"On ne peut plus dire que les choses sont normales quand la sécheresse est presque devenue permanente", a expliqué Achim Steiner, chef de l'Agence de développement des Nations unies (UNDP), lors d'une récente visite sur les lieux.
Si les prévisions sont correctes, l'Éthiopie fera bientôt face à sa quatrième année consécutive de sécheresse et les éleveurs nomades sont les plus sévèrement touchés.
L'intervention du gouvernement éthiopien et des ONG étrangères a permis d'éviter la répétition des famines des années 1970 et 1980, qui avaient tué des centaines de milliers de personnes.
>> Lire aussi : La sécheresse menace 17 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique
Les responsables éthiopiens affirment que la politique de relogement des communautés rurales plus près des routes, hôpitaux et écoles - connue sous le nom de "villagisation" - favorise le développement.
Mais pour les organisations de défense des droits de l'Homme, il s'agit ni plus ni moins d'un déplacement forcé de population, destiné à mieux la contrôler.
L'ONU et les ONG cherchent des stratégies permettant aux zones les plus affectées, comme la région somali du sud-est où est situé Dabafayed, de résister les mois où l'eau n'est pas disponible.
Sécheresse sans fin
Bien qu'ils aient parcouru cette région aride avec leur bétail depuis des générations, certains éleveurs d'ethnie somali se disent prêts à se sédentariser plutôt que de continuer à devoir affronter cette sécheresse apparemment sans fin.
"Vous pouvez compter sur le gouvernement et les ONG sont là pour nous aider", constate Halima Hussein, habitante d'un camp d'éleveurs déplacés, dont les animaux sont morts de soif.
"Ce sera toujours mieux que de rester dans la brousse et d'élever les animaux", ajoute-t-elle.
Les éleveurs somali peuvent tout perdre lors d'une sécheresse: toute leur richesse, constituée par leur troupeau, comme leur maison démontable qui ne peut être transportée qu'à dos d'animal.
Halima a connu tout ça. "Nous avons perdu tous nos animaux. Où est-ce que je retournerai?", demande-t-elle, en faisant la queue avec une dizaine d'autres femmes à un puits.
L'Éthiopie est sujette à la sécheresse mais la région somali a été particulièrement affectée ces dernières années, ce qui a forcé les organisations humanitaires à demander en 2017 1,4 milliard de dollars (1,1 milliard d'euros).
Les donateurs ont versé presqu'un cinquième de la somme. Mais la situation humanitaire s'est aggravée quand des violences se sont intensifiées en septembre entre communautés oromo et somali, le long des frontières des deux États du même nom.
Ces affrontements entre membres de deux des principales ethnies d'Éthiopie ont fait des centaines de morts et près d'un million de déplacés.
L'ONU estime à 895 millions de dollars ses besoins pour répondre cette année à la sécheresse et le Parlement éthiopien a dégagé ce mois-ci 5 milliards de birrs (149 millions d'euros), selon les médias d'État.
'Aucun endroit où aller'
La région somali, extrêmement pauvre, n'a pas le dynamisme économique des autres régions d'Éthiopie. L'ONU assure qu'elle aidera les nomades déplacés à s'établir.
Selon la principale représentante de l'ONU en Ethiopie, Ahunna Eziakonwa-Onochie, la stratégie est non seulement de mettre les gens à l'abri des futures sécheresses, mais aussi de leur offrir des services.
"Maintenant qu'ils sont forcés, par les circonstances (...), à mener des vies sédentaires, on commence à voir cela comme l'opportunité de mieux éduquer les enfants", remarque-t-elle.
Le mode de vie nomade est répandu en Afrique et a longtemps résisté aux tentatives de changement des gouvernements. Mais l'Éthiopie, qui passe plus de temps et dépense plus que la plupart pour contrôler ses citoyens, voit une occasion à saisir.
"Si on donne aux éleveurs de l'eau et qu'ils n'ont pas à faire 50, 100 kilomètres pour la trouver, est-ce que ce n'est pas une bonne chose?", demande Anwar Ali, le responsable humanitaire de l'État somali.
"Nous ne changeons pas le mode de vie nomade, nous l'améliorons seulement", dit-il.
Halima figure parmi ceux qui peuvent prétendre vivre à Dabafayed, même si elle n'a connu que la vie nomade jusqu'ici.
"Je n'ai aucun endroit où aller", avoue-t-elle. "Je vais m'installer ici de manière permanente."
Avec AFP