Créditées de 27 dollars par mois et par personne grâce à une initiative du Programme alimentaire mondial (PAM), ces cartes étaient au départ exclusivement destinées aux achats alimentaires. D'autres agences de l'ONU ont par la suite choisi de les utiliser pour d'autres aides.
"Je vendais pour 50 millions de livres libanaises (environ 29.000 euros), contre 300 millions de LL (176.000 euros)" aujourd'hui, confie avec satisfaction M. Khiami, en référence à ses recettes annuelles.
Un autocollant bleu de la PAM --qui a lancé ce projet en 2013 avec quelque 500 magasins partenaires à travers le pays-- est collé sur la vitrine de son magasin, dans le sud de la capitale.
Avec quelque 700.000 réfugiés bénéficiaires au Liban, ce programme est une aubaine pour des petites épiceries qui vivotaient.
"Ce programme a changé ma vie. J'ai acheté un appartement à Beyrouth et j'ai payé les études universitaires de mes enfants", affirme l'épicier de 55 ans qui a aussi embauché six employés supplémentaires.
Selon lui, "les clients libanais achètent moins que les Syriens qui ont des familles nombreuses et consomment plus". Autrefois endetté, M. Khiami se targue de faire environ 8.800 euros de bénéfice par mois contre 2.000 dans le passé.
Adaptation à la clientèle
Le commerçant s'est adapté à sa clientèle: il vend du beurre clarifié, de la halva (une confiserie orientale), et beaucoup de thé, dont "les Syriens raffolent".
Pour les réfugiés, la carte s'avère plus pratique que les coupons alimentaires distribués auparavant, qu'ils devaient dépenser en une seule fois.
Oum Imad affirme se sentir "indépendante" grâce à sa carte, valide cinq ans et qu'elle doit présenter au magasin avec son certificat du Haut-Commissariat aux réfugiés.
Le Liban a été salué à plusieurs reprises pour sa générosité envers les réfugiés syriens --environ un million selon l'ONU, soit un quart de la population--, mais leur présence donne souvent lieu à des commentaires teintés de xénophobie.
Depuis 2015, l'ONU a cessé d'enregistrer les réfugiés venant de Syrie, à la demande du gouvernement libanais.
Pour certains, ces personnes ayant fui la guerre représentent un fardeau pour un pays lourdement endetté, mais pour d'autres, ils contribuent à l'économie à travers leurs achats et la location d'appartements.
Omar al-Cheikh, un commerçant partenaire du PAM depuis quatre ans, a lui vu ses bénéfices mensuels passer de 4.400 à 7.000 euros.
Il affirme toutefois avoir perdu 20% de sa clientèle libanaise dans son commerce à Noueiri, dans l'ouest de Beyrouth. Il raconte qu'un jour, un client libanais énervé de ne pas trouver le produit qu'il cherchait lui a lancé: "Tu ne travailles plus que pour les Syriens maintenant!"
"Ce sont des êtres humains. Leur pays est en guerre, nous devons les aider", affirme l'homme de 45 ans.
800 millions d'euros
Les échoppes partenaires du PAM revivent non seulement à Beyrouth mais également dans les régions.
"En huit mois, j'ai loué trois nouveaux locaux pour stocker mes marchandises et j'ai ouvert un magasin de fruits et légumes", se félicite Ali Sadek Hamza, propriétaire d'un magasin près de Baalbek, dans la Bekaa (est).
Aujourd'hui, 60% de sa clientèle est syrienne, mais le commerçant de 26 ans affirme avoir conquis également des clients libanais car il "vend moins cher".
Tous les mois, le PAM envoie aux magasins partenaires une liste de prix indicatifs afin d'être compétitifs.
Depuis 2013, les réfugiés syriens ont dépensé près de 800 millions d'euros dans ces magasins, selon l'agence onusienne.
"L'économie libanaise profite aussi du programme du PAM, pas seulement les réfugiés syriens", soutient Edward Johnson, du service de presse du PAM à Beyrouth.
De quoi allécher des entreprises libanaises de plus grande taille: trois chaînes de supermarchés ont passé contrat avec le PAM, comme l'UCCM qui possède 36 magasins dans le pays.
"Notre but est de faire du profit, et en même temps, on aide les réfugiés", explique Sleimane Sleimane, un responsable de l'UCCM.
Pour attirer les réfugiés syriens, les supermarchés de l'UCCM ont choisi de leur accorder une remise de 7%.
"On vend plus, donc on achète plus à nos fournisseurs. Tout cela crée de l'activité économique", se félicite M. Sleimane.
Avec AFP