Le Burundi exige un sommet régional sur le "conflit" avec son "ennemi" rwandais

Le président burundais Pierre Nkurunziza (à gauche) et son homologue rwandais Paul Kagame. (Photo non datée).

Le chef de l'Etat burundais accuse le Rwanda d'être à l'origine de la crise que traverse le Burundi depuis avril 2015. Par le passé, Kigali avait déjà rejeté de telles accusations.

Le président burundais Pierre Nkurunziza a exigé la tenue d'un sommet spécial des chefs d'état de la région consacré à ce qu'il qualifie de "conflit ouvert" avec son "ennemi" et voisin rwandais, a-t-on appris vendredi auprès de la présidence.

Dans une lettre ayant fuité sur les réseaux sociaux et dont l'authenticité a été confirmée à l'AFP par une source au sein de la présidence, M. Nkurunziza a accusé le Rwanda, comme il l'a déjà fait à de nombreuses reprises, d'être à l'origine de la crise que traverse le Burundi depuis avril 2015.

Il a soutenu notamment que son voisin recrute et soutient de jeunes réfugiés burundais qui tentent ensuite de "déstabiliser" le Burundi.

En mars 2016, l'armée rwandaise avait rejeté toute relation avec un homme appréhendé au Burundi et présenté comme un militaire rwandais, en "mission d'espionnage" dans le but de déstabiliser le Burundi, selon Bujumbura. Un porte-parole de l’armée rwandaise avait alors affirmé qu’une telle accusation était "ridicule et manquait de crédibilité".

Le Rwanda "est le principal facteur de déstabilisation de mon pays et par conséquent, je ne le considère plus comme un pays partenaire, mais comme un ennemi", a tancé le président burundais dans cette lettre datée du 4 décembre et adressée à son homologue ougandais Yoweri Museveni, médiateur dans la crise burundaise.

Après avoir provoqué le report d'un sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) fin novembre, qui portait notamment sur la crise burundaise, M. Nkurunziza a exigé "l'organisation d'un sommet extraordinaire dont l'agenda sera de trouver une solution à la question du conflit ouvert entre le Burundi et le Rwanda".

M. Nkurunziza, qui accuse régulièrement le Rwanda d'être le "cheval de Troie" de l'ancien colon belge et de l'Union européenne, estime que c'est au terme d'un tel sommet que le gouvernement pourra participer à un dernier round du dialogue inter-burundais de sortie de crise.

Il a toutefois réitéré que le gouvernement refuse de discuter avec l'opposition en exil, qu'il accuse d'avoir fomenté un coup d'Etat.

"Le fait de voir Nkurunziza déclarer le Rwanda comme son +ennemi+ est très grave et très inquiétant", a réagi un diplomate africain sous couvert d'anonymat.

"Cette volonté délibérée de régionalisation de la crise burundaise est une fuite en avant, un tournant dangereux qui peut avoir de graves conséquences dans une région très instable", a renchéri un autre diplomate africain.

Pour sa part, dans un discours prononcé en novembre 2015, le président rwandais avait accusé les dirigeants burundais de "massacrer leur population du matin au soir".

"Le président [burundais] s'enferme, personne ne sait où il se cache, personne ne peut le trouver pour lui parler. Comment peut-il prétendre diriger son pays? Des gens meurent tous les jours, les cadavres jonchent les rues. Et après ils appellent ça des 'problèmes politiques'. Mais c'est quoi cette politique ?", avait renchéri Paul Kagame. "Les dirigeants du Burundi se targuent d'être des hommes de Dieu, certains sont mêmes pasteurs. Mais en quel Dieu croient-ils ? (...) Y-a-t il un endroit dans la Bible où les dirigeants sont appelés à massacrer leur peuple ?"

"La situation du Burundi a des retombées sur nous, les Rwandais. Les problèmes du Burundi, d'où viennent-ils ? Même si on accuse le Rwanda (...), ce sont les Burundais eux-mêmes qui sont responsables de leur situation. Les Burundais auraient dû tirer des leçons de ce qui s'est passé ici. Nous, les Rwandais, nous devons nous préserver du mal. Nous devons lutter pour que le mal ne revienne pas en nous", avait encore prévenu le président Kagame.

Le Burundi est en crise depuis que M. Nkurunziza a annoncé en avril 2015 sa candidature à un troisième mandat controversé.

Sa réélection en juillet de la même année a déclenché une crise qui a fait au moins 1.200 morts et déplacé plus de 400.000 personnes. La Cour pénale internationale a ouvert une enquête.