Le Canada va indemniser les familles des enfants autochtones retirés de la garde de leurs parents

La ministre des Services aux Autochtones du Canada, Patty Hajdu, et la chef régionale de l'Assemblée des Premières Nations, Cindy Woodhouse, lors d'une conférence de presse à Ottawa, Ontario, Canada, le 4 janvier 2022.

Le Canada a annoncé la conclusion d'un accord de principe d'un montant de 40 milliards de dollars canadiens (27,8 milliards d'euros) pour indemniser les enfants autochtones et leur famille victimes de discrimination par le système de protection de l'enfance dont ils dépendent et réformer ce dernier.

Cette entente, dont le montant prévu avait été annoncé mi-décembre par le Premier ministre Justin Trudeau, est "le plus important accord d'indemnisation dans l'histoire du Canada", a déclaré le ministre fédéral des Relations Couronne-Autochtones, Mark Miller mardi lors d'une conférence de presse en vidéo.

L'accord de principe, qui sera finalisé dans les mois à venir, vise à mettre fin à des années de litiges portant sur les sommes allouées par l'Etat fédéral aux services de protection de l'enfance pour les Premières Nations en comparaison à ceux offerts aux enfants non-autochtones.

La moitié de cette somme servira à compenser les enfants autochtones retirés de la garde de leurs parents et placés dans le système de protection de l'enfance, l'autre permettra de réformer ce système durant les cinq prochaines années.

"Aucune indemnisation ne peut compenser le traumatisme qu'ont subi les gens", a observé la ministre des Services aux Autochtones, Patty Hadju. Mais l'accord "reconnaît pour les survivants et leurs familles la douleur et le préjudice causés par la discrimination dans le financement et les services".

En 2019, le Tribunal canadien des droits de la personne avait ordonné au gouvernement de verser une compensation de 40.000 dollars canadiens à chacun des milliers d'enfants des Premières Nations retirés de la garde de leurs parents et placés dans le système de protection de l'enfance après 2006. La décision avait été validée en septembre dernier.

Fin octobre, le gouvernement a demandé à la cour d'appel fédérale d'annuler cette décision historique, estimant que ces indemnisations étaient bien nécessaires mais qu'elles préféraient régler les détails dans le cadre d'un accord négocié.

Le montant exact qui sera versé à chaque personne, ainsi que les modalités et le calendrier, seront déterminés lors de consultations entre des experts et la principale organisation autochtone du pays, l'Assemblée des Premières Nations, ont expliqué des avocats de plaignants dans deux affaires.

"Cet accord est historique et nous espérons qu'il marquera un tournant décisif dans le travail de réconciliation de ce pays", a observé l'un de ces avocats, Robert Kugler, dans un communiqué.

Selon lui, son montant "souligne la gravité du dommage subi et fournira un soutien financier pour permettre aux victimes d'améliorer leur vie en allant de l'avant".

L'annonce de cet accord intervient en pleine introspection du pays sur les torts causés aux inuits, métis ou membres des Premières Nations (Dene, Mohawks, Ojibway, Cris et Algonquins...).

Depuis mai dernier, plus d'un millier de tombes anonymes ont été retrouvées sur les sites d'anciens pensionnats catholiques pour autochtones, remettant en lumière un sombre chapitre de l'histoire du Canada et sa politique d'assimilation forcée considérée depuis 2015 comme un "génocide culturel".

De la fin du XIXe siècle aux années 1990, quelque 150.000 enfants autochtones ont été placés de force dans 139 pensionnats aujourd'hui fermés, où ils ont été coupés de leurs familles, de leur langue et de leur culture. Des milliers n'en sont jamais revenus. L'Eglise catholique du Canada a présenté en septembre des excuses officielles aux peuples autochtones.