Les voisins de la Corne de l'Afrique avaient rompu toutes relations diplomatiques et commerciales après la guerre de 1998-2000, qui avait fait quelque 80.000 morts.
Le refus éthiopien d'appliquer une décision en 2002 d'une commission internationale indépendante soutenue par l'ONU sur le tracé de la frontière avait ensuite entretenu une longue animosité entre les deux pays.
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Nommé en avril, le jeune Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, 42 ans, a rompu avec cette politique, en promettant d'appliquer l'accord de paix signé en 2000 à Alger avec l'Érythrée et les conclusions de cette commission sur la démarcation de la frontière.
Ce revirement a débouché sur sa visite à Asmara, dimanche et lundi, à l'issue de laquelle il a signé avec le président érythréen Issaias Afeworki, 71 ans, une déclaration stipulant que "l'état de guerre (...) est arrivé à sa fin".
Mais malgré l'élan de fraternité observé, bien des problèmes restent à régler, comme l'accès de l’Éthiopie aux ports érythréens ou la démarcation de la frontière.
"Certainement, il nous faut procéder avec précaution. Je pense qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais en fin de compte tout le monde veut une paix durable dans la région", observe pour l'AFP Ahmed Soliman, chercheur à l'institut britannique Chatham House.
Autrefois façade maritime de l'Éthiopie avec les ports de Massawa et d'Assab, l'Érythrée a déclaré son indépendance en 1993 après avoir chassé les troupes éthiopiennes de son territoire en 1991 au terme de trois décennies de guerre.
L'indépendance de l’Érythrée a privé l’Éthiopie de tout accès à la mer et l'a forcée à s'appuyer presque exclusivement sur Djibouti pour son commerce maritime.
Pour les analystes, le statu quo qui prévalait depuis la fin de la guerre n'a pu être bouleversé que grâce à l'accession au pouvoir de M. Abiy.
Mais, décrit par M. Soliman comme un "homme pressé", le Premier ministre doit faire face au mécontentement de certains Éthiopiens, en particulier au sein de la minorité tigréenne vivant près de la frontière, opposés à la rétrocession de territoires à l’Érythrée.
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M. Soliman remarque "l'absence notable" des dirigeants tigréens des discussions de début de semaine à Asmara, et estime que "leur participation sera capitale pour mettre en œuvre la paix".
Le président Issaias, seul leader que l’Érythrée ait connu depuis l'indépendance, était un rival acharné de l'ancien Premier ministre éthiopien Meles Zenawi, un Tigréen.
Le conflit de 1998-2000 était "entre Issaias et Meles", considère Kjetil Tronvoll, professeur au Bjorknes University College en Norvège.
Pour Dan Connell, chercheur à l'université de Boston aux États-Unis, l'ethnicité de M. Abiy, un Oromo, constitue une rupture avec les Tigréens, qui dominaient jusque-là la coalition au pouvoir en Ethiopie, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF).
"Je pense que le processus ira jusqu'au bout. C'est clairement dans l'intérêt des deux pays", avance-t-il.
Mais selon M. Soliman, le rapprochement ne sera pas aisé, dès lors qu'il faudra rentrer dans les détails. "Il y a des obstacles potentiels partout", note-t-il.
L’Érythrée et l’Éthiopie sont parmi les pays les plus pauvres au monde. Mais l’Éthiopie a bénéficié d'une croissance économique à deux chiffres ces dernières années et cherche à obtenir l'accès à de nouveaux ports, en Erythrée et en Somalie.
L’Érythrée, un des pays les plus isolés au monde, a appliqué des politiques qui ont paralysé son économie et effrayé les investisseurs, avec également un programme de conscription obligatoire et illimitée que l'ONU a comparé à de l'esclavage.
Les ports érythréens sont loin d'offrir les mêmes infrastructures modernes que ceux du voisin Djibouti. Mais, selon M. Tronvoll, Asmara devrait tout de même chercher à négocier leur utilisation par l’Éthiopie.
"Combien de concessions sont-ils prêts à faire à l'Érythrée pour obtenir une paix durable (et) quelles seront les réactions en Ethiopie à cela?", s'interroge-t-il.
M. Soliman observe que le président Issaias pourrait aussi être confronté à de fortes pressions en faveur de réformes démocratiques, la menace éthiopienne ne lui permettant plus de justifier ses politiques répressives.
Des centaines de milliers d’Érythréens ont gagné l'Europe ces dernières années, fuyant le service militaire obligatoire et la pauvreté.
"Si cela devait s'ouvrir en Erythrée en termes de situation politique et de libertés publiques, alors je suis sûr que cela encouragerait les gens à rester", estime M. Soliman.
Mais jusque-là, toutes les promesses de réforme ont été lancées par M. Abiy, remarque l'expert. "Issaias n'a pas dit grand-chose. Nous n'avons pas appris grand-chose de la part d'Issaias sur ce qui va changer."
Avec AFP