"Il doit être clair que face à ces abominations, l'Eglise ne se ménagera pas pour faire tout ce qui est nécessaire afin de livrer à la justice quiconque aura commis de tels délits", a martelé le pape argentin. Sans toutefois préciser s'il parlait du système judiciaire interne à l'Eglise catholique (régie par le "droit canon") ou de la justice civile des Etats.
Dans le droit de l'Eglise, les prêtres n'ont actuellement aucune obligation de dénoncer des crimes auprès de la justice civile, sauf si la législation de leur pays les y oblige, au grand dam des victimes.
Dans le passé, de nombreux prêtres soupçonnés de pédophilie ont été discrètement affectés dans un autre diocèse par leur hiérarchie, fidèle à une vieille culture du silence profondément ancrée au sein de l'Eglise.
François a demandé en revanche très clairement aux criminels sexuels au sein de l'Eglise, mais aussi dans toutes les autres sphères de la société, de se livrer eux-mêmes à la justice de leur pays.
"A ceux qui abusent des mineurs, je voudrais dire: convertissez-vous et remettez-vous à la justice humaine et préparez-vous à la justice divine", a lancé le pape François.
Il appelle aussi à soigneusement distinguer entre les véritables cas d'agressions sexuelles et les calomnies.
"C'est une tâche assez difficile dans la mesure où les vrais coupables savent se cacher soigneusement au point que beaucoup de femmes, de mères et de soeurs n'arrivent pas à les découvrir chez les personnes les plus proches: maris, parrains, grands-parents, oncles, frères, voisins, enseignants", a-t-il souligné.
- 'Plus jamais' -
Des enquêtes ou procès aux Etats-Unis, en Europe, au Chili ou en Australie ont plongé cette année l'Eglise catholique dans une crise de crédibilité historique, alors que les victimes d'agressions sexuelles anciennes sont de plus en plus nombreuses à déposer des plaintes.
Lire aussi : Le Vatican bloque des mesures des évêques américains contre les abus sexuelsLe pape a convoqué au Vatican pour la fin février 2019 les présidents des conférences épiscopales du monde entier pour un sommet très attendu sur "la protection des mineurs". Pour s'y préparer, les participants devront rencontrer des victimes d'agressions sexuelles commises par le clergé dans leurs pays respectifs.
"L'Eglise ne cherchera jamais à étouffer ou à sous-estimer aucun cas", a promis vendredi le pape François devant les plus hauts prélats de la Curie, le gouvernement du Vatican.
"Cela ne doit plus jamais se produire. C'est le choix et la décision de toute l'Eglise", a-t-il ajouté avec fermeté.
François, qui s'est fait une spécialité de parler rudement à la Curie lors de ses voeux annuels, a honni vendredi "les hommes consacrés qui abusent des faibles en profitant de leur pouvoir moral" en craignant seulement d'être démasqués.
Derrière une apparente "gentillesse démesurée", certains hommes d'Eglise "cachent sans vergogne un loup terrible prêt à dévorer les âmes innocentes", a encore dénoncé François.
Il a reconnu que "la barque de l'Eglise" avait connu en 2018 "des moments difficiles", "assaillie par les tempêtes et les ouragans", ce qui a entraîné le départ de fidèles.
Lire aussi : Le pape évoque l'indignation des jeunes devant les abus sexuels dans l'EgliseDans ce contexte, il a critiqué ceux qui "par peur, par intérêt, avec des arrières pensées" ont cherché à "meurtrir l'Eglise". Ou encore les ecclésiastiques qui "poignardent leur frères" et sèment "division" et "zizanie".
Une très probable allusion à son accusateur, l'archevêque italien Mgr Carlo Maria Vigano.
Ce prélat avait provoqué une bombe médiatique fin août en accusant le pape d'avoir longtemps gardé sous silence les comportements de prédateur du cardinal américain Theodore McCarrick, déchu quelques semaines plus tôt après des accusations concrètes d'abus sexuels.
Début octobre, un haut membre de la Curie avait défendu le souverain pontife en parlant d'un "montage politique privé de fondement réel incriminant le pape" et le pape François a annoncé une enquête approfondie dans les archives du Vatican.