Le porte-parole du gouvernement congolais affirme que le camp présidentiel désignera son candidat en juillet

Lambert Mende dans les studios de VOA, Washington, le 31 janvier 2018

Dans une interview à VOA Afrique, Lambert Mende assure que Joseph Kabila entend respecter la constitution congolaise et quitter le pouvoir après les élections du 23 décembre 2018. Il annonce aussi que le camp présidentiel désignera son successeur d'ici le mois de juillet prochain.

Quel est l'objet de votre passage à Washington ?

Lambert Mende : "Nous avons échangé des informations avec Donald Yamamoto, le sous-secrétaire d'Etat américain aux affaires africaines sur la situation sécuritaire et sur la Monusco. Vous savez que les Etats-Unis sont les premiers contributeurs au budget de la mission onusienne en RDC. Nous avons aussi discuté des préparatifs des élections. Je lui ai dit que nous sommes dans la dernière ligne droite. Aujourd'hui même, nous terminons l'enregistrement des électeurs dans le Kasaï. Nous avons eu quelques retards mais nous sommes sur le bon chemin pour aller aux élections et respecter le calendrier établi par la commission électorale ."

Le président de la République démocratique du Congo, Joseph Kabila, tient une conférence de presse à Kinshasa, le 26 janvier 2018.

Etes-vous sûr que la RDC votera bien le 23 décembre 2018 ?

Lambert Mende : "Affirmatif ! Le 23 décembre, nous aurons trois élections en une séquence."

Corneille Nangaa, le président de la CENI, affirme que les élections "doivent consacrer l'alternance au niveau suprême" en RDC. Qu’en pensez-vous ?

Lambert Mende : "Bien sûr. Pourquoi pas. Ça peut se concevoir au niveau des personnes, pas des familles politiques."

>> Lire aussi : Des ONG demandent la restitution des corps des victimes du 21 janvier en RDC

Lors de sa conférence de presse, Joseph Kabila n'a pas dit clairement qu'il ne se représentera pas à cette élection.

Lambert Mende : ”Si, le président a répondu clairement. En aucun cas, le président ne va violer la constitution. Nous ne sommes dans aucune procédure de modification de la Constitution qui passe par un référendum. Nous sommes dans les préparatifs des élections. La constitution ne prévoit pas que le président puisse se représenter une troisième fois consécutive.”

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Lambert Mende au micro de Nicolas Pinault

Si Joseph Kabila ne se représente pas conformément à la Constitution, qui sera son "dauphin" ?

Lambert Mende : "Cela regarde le président et notre famille politique. Joseph Kabila a sans doute une petite idée là-dessus. Nous sommes en train de nous concerter. Lorsque la CENI ouvrira le dépôt des candidatures (NDLR : du 25 juillet au 8 aout 2018), nous ferons connaître notre candidat, sans doute d'ici juillet, mais le moment n'est pas venu."

Le changement de statuts au sein du PPRD, est-ce une coïncidence ?

Lambert Mende : "Le PPRD a le droit de modifier ses statuts quand il le veut. C’est un parti politique en démocratie. Je ne peux pas commenter cela davantage, n’étant pas membre du PPRD."

Comment qualifieriez-vous les relations aujourd'hui entre le gouvernement congolais et l'église catholique ?

Lambert Mende : "Nous n’avons pas de crise avec l’église catholique. Nous avons un problème avec quelques membres du clergé de l’église catholique qui se mêlent trop de politique politicienne et qui opposent les Congolais entre eux. C’est le cas actuellement à Kinshasa et c’est une mauvaise chose, nous le disons clairement."

Le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, au Vatican, le 20 novembre 2010.

Notamment Mgr Laurent Monsengwo, cardinal de Kinshasa ?

Lambert Mende : "Je n'ai pas à citer des noms, vous le connaissez, vous l'avez cité vous-même."

"Que les médiocres dégagent" dit Mgr Monsengwo, qu'en pensez-vous ?

Lambert Mende : "C'est une insulte et je ne souhaite pas élaborer pour ne pas descendre dans ces bas-fonds."

Maintenez-vous le bilan officiel de 2 morts en RDC suite à la marche du 21 janvier ?

Lambert Mende : "J'ai rencontré hier des ONG, parmi celles qui avaient lancé ces chiffres, au siège d'Open Society. Quand j'ai demandé des noms, elles ont été incapables de les donner parce qu'un mort ça a un nom quand même, un mort ça a une famille. Nous nous savons qu'il y a eu deux personnes mortes : l'une atteinte par un tir d'un policier qui a prétendu agir en légitime défense, ce qui n'a pas été confirmé par l'enquête. Ce policier passe d'ailleurs devant la cour martiale. La deuxième victime a été amenée blessée à l'hôpital par des personnes qui se sont enfuies, sans s'identifier. L'enquête se poursuit. Nous avons aussi lancé un appel à témoin pour quiconque sait s'il y a d'autres victimes afin de lancer des enquêtes."

Lors des marches du 31 décembre, Nikki Haley, ambassadrice américaine aux Nations Unies, s'était déclarée horrifiée "face à la cruauté et la brutalité contre des civils innocents" en RDC. Aujourd'hui, la relation est-elle aplanie avec les Etats-Unis ?

Lambert Mende : " Nous sommes aussi horrifiés par les violences de ce jour-là de la part de ceux qui ont initié les manifestations pour créer le chaos dans notre pays. Ne croyez pas que Nikki Haley est la seule personne horrifiée par la violence. Nous souhaiterions aller vers des élections apaisées mais quand des gens commettent des actes violents, nous les condamnons. Ces violences ne sont pas le fait de la police, ni du gouvernement."

Pourquoi la communauté internationale s'inquiète-elle tant de la situation dans votre pays alors ?

Lambert Mende : "Je parlerais plutôt d'un certain énervement de la classe politique congolaise parce qu'au fur et à mesure qu'on s'approche de la date du 23 décembre, les gens ne savent pas ce qu'ils vont devenir. Ça s'énerve, ça s'agite et certains commettent des actes désespérés et la police doit faire son travail. C'est normal qu'il y ait de la perplexité au niveau de ceux qui observent cela dans les chancelleries. Mais rien ne nous distraira du 23 décembre ,qui sera l'occasion pour ce peuple de se choisir enfin des dirigeants démocratiquement."

Les violences et les arrestations lors de ces marches sont-elles des distractions selon vous ?

Lambert Mende : "Toutes les arrestations ont été des arrestations administratives. Toutes les personnes arrêtées dans ce cadre ont été libérées après vérification des identités puisque ces manifestations ont été plus ou moins chaotiques. Je peux vous dire que le 31 décembre, il n'y a pas eu de morts en lien avec les manifestations."

Ce 1er février marque le premier anniversaire de la mort d'Etienne Tshisekedi. Son corps se trouve toujours à Bruxelles. A quand la fin de cet imbroglio ?

Lambert Mende : "C'est une question à poser à sa famille. En ce qui nous concerne, le gouvernement congolais est disposé à faciliter le rapatriement de la dépouille d'Etienne Tshisekedi et lui offrir des funérailles dignes de son rang d'ancien Premier ministre. Nous ne pouvons pas forcer sa famille à nous donner son corps. C'est un problème que seule sa famille peut régler."

Donc le blocage vient de la famille Tshisekedi ?

Lambert Mende : "Absolument !" Nous sommes prêts à fournir toutes les facilités matérielles nécessaires mais nous ne pouvons pas aller plus loin."

Etienne Tshisekedi peut être enterré partout en RDC, sauf au siège de l'UDPS ?

Lambert Mende : "On peut enterrer Etienne Tshisekedi partout en RDC, conformément à la loi congolaise qui régit les enterrements et le gouverneur de Kinshasa a eu l'occasion de le dire à la famille du défunt qui voulait politiser cette affaire."

Qu'en est-il de la décrispation politique en République Démocratique du Congo ?

Lambert Mende : "La décrispation politique a eu lieu. Nous avons libéré des centaines de personnes depuis 2016 qui ont eu un contentieux en matière de sécurité d'Etat. Les poursuites ont été abandonnées. Quant aux personnes qui ont un contentieux avec des particuliers, ils doivent le régler avec eux. C'est la recommandation des juges puisque nous ne pouvions pas violer le principe de séparations des pouvoirs et se substituer aux particuliers."

NDRL : article mis à jour le 14 février 2018 à la demande de Lambert Mende, pour mieux refléter sa pensée