Ces craintes n'ont guère convaincu les électeurs: selon l'institut Ipsos, l'homme fort du pays a remporté quelque 55% des suffrages, très loin devant son dauphin, le centriste Sasa Jankovic, crédité de 16% environ.
L'emprise sur le pays de cet ancien ultranationaliste de 47 ans, converti au centrisme et au rapprochement avec l'Union européenne et Premier ministre depuis 2014, ne semble donc pas devoir se relâcher.
Aujourd'hui honorifique, le poste de président va retrouver dans les cinq prochaines années, avec Aleksandar Vucic, l'importance qu'il avait sous le libéral Boris Tadic (2004-2012). Le nouveau Premier ministre est promis à devenir son obligé et son collaborateur.
Dimanche, en venant voter dès l'ouverture des bureaux, M. Vucic a jugé "ridicules" les accusations d'autoritarisme portées par une opposition faible et divisée.
Pari réussi pour l'amuseur 'Beli'
Derrière Sasa Jankovic, les autres "gros" candidats de l'opposition, qui avaient appelé à ne pas laisser le pouvoir entre les mains d'un seul homme, doivent se contenter de miettes.
Un autre centriste, Vuk Jeremic, a remporté 5,8% des voix, tandis que l'ultranationaliste Vojislav Seselj doit se contenter de 5,4%. Les provocations du héraut de la "Grande Serbie" ne rencontrent plus guère d'écho: il avait expliqué durant la campagne que placer des champs de mines aux frontières pour empêcher les migrants d'entrer en Serbie lui semblait une bonne idée si les barbelés ne suffisaient pas.
Le seul autre gagnant du scrutin est l'amuseur public Luka Maksimovic, alias "Beli", étonnant troisième (9,3%).
En incarnant un candidat loufoque, le patron du "Mouvement de ceux qui n'ont pas goûté au chou farci" (SPN), a raillé durant la campagne la corruption du système politique serbe en promettant de "voler pour lui-même" tout en s'engageant "à donner aussi quelque chose au peuple".
Son succès est aux yeux de nombreux analystes le signe de la désaffection d'une grande partie de l'électorat pour sa classe politique.
Insuffisant toutefois pour ébranler le pouvoir d'Aleksandar Vucic, qui négocie l'adhésion de son pays à l'Union européenne tout en s'employant à ménager le lien privilégié avec la Russie.
Durant la campagne, il a vanté ses résultats économiques: la croissance est revenue à 2,8% en 2016 après des années de marasme imputables aux sanctions économiques qui ont suivi les guerres des Balkans des années 1990.
Mais le chômage reste supérieur à 15%, touchant notamment les jeunes qui cèdent aux sirènes de l'exode dès qu'ils le peuvent. Et le revenu moyen reste un des plus faibles d'Europe à 330 euros.
Jankovic en leader de l'opposition
Aleksandar Vucic a également mené une campagne dure contre l'opposition, l'accusant de recevoir "des millions d'euros de certains pays étrangers".
"Les dix qui s'unissent contre un seul (...) veulent arrêter le progrès de notre pays, le ramener au passé pour pouvoir se remplir les poches", a-t-il lancé en meeting.
Il a aussi pu compter sur les médias. Selon une étude publiée par le quotidien indépendant Danas, M. Vucic a bénéficié de 51% du temps d'antenne dédié à la campagne par les chaînes nationales, 67% "si on y inclut ses apparitions télévisées en tant que Premier ministre".
Ancien médiateur de la République, ce qui lui a valu de devenir une figure respectée de la classe moyenne urbaine libérale, son dauphin Sasa Jankovic, nouveau venu en politique, fait un score qui semble de nature à lui offrir le leadership de l'opposition.
Avant le scrutin, il avait mis en garde contre des fraudes. Mais aucune irrégularité flagrante n'avait été relevée dimanche soir par les observateurs.
Avec AFP