Cet ex-officier de la garde présidentielle rwandaise, reconverti dans la police politique après l'accident qui l'a cloué dans un fauteuil roulant en 1986, avait été reconnu coupable en 2014 de génocide et de complicité de crimes contre l'humanité par la cour d'assises de Paris.
Il s'agissait du tout premier procès en France d'un Rwandais pour les massacres qui ont fait 800.000 morts entre avril et juillet 1994, principalement des Tutsi, ainsi que des Hutu modérés.
Depuis, un deuxième procès a eu lieu, celui de deux anciens bourgmestres (maires), Octavien Ngenzi et Tito Barahira. Ils ont été condamnés à perpétuité en mai 2016 pour leur participation au génocide et ont fait appel.
Pascal Simbikangwa, 56 ans, risque lui aussi la perpétuité lors de ce deuxième procès, le parquet ayant fait appel de sa première condamnation.
L'accusation lui reproche d'avoir organisé les barrages routiers au passage desquels étaient filtrés et tués les Tutsi, d'avoir donné des instructions et livré des armes aux miliciens Interahamwe qui les tenaient.
Comme en première instance, une cinquantaine de témoins viendront déposer. Certains, actuellement emprisonnés au Rwanda, seront entendus par visio-conférence. Les audiences doivent durer jusqu'au 9 décembre.
"On aurait préféré ne pas avoir à recommencer tout ça, on aurait aimé éviter ce deuxième procès", a déclaré à l'AFP Alain Gauthier, du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une des cinq associations parties civiles au procès. "On espère que la sentence sera confirmée, ce qui est important pour nous c'est la condamnation".
'Procès politique'
Arrêté à Mayotte (île française de l'océan Indien) en 2008 pour trafic de faux papiers, Pascal Simbikangwa est jugé en France au titre de la "compétence universelle" qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, quels que soient les lieux où il ont été commis et la nationalité des auteurs ou des victimes. La France a toujours refusé d'extrader des suspects du génocide au Rwanda, la Cour de cassation considérant que le génocide n'était pas défini en 1994 dans le code pénal rwandais.
En première instance, Simbikangwa n'avait eu de cesse de minimiser son rôle et sa compréhension des massacres à l'époque. Il avait ainsi répété sans fléchir n'avoir vu aucun cadavre pendant les 100 jours de la tragédie rwandaise.
Une position qui "participe manifestement de sa volonté de minimiser son rôle et de dissimuler la parfaite connaissance qu'il avait (...) du génocide qui se déroulait (...) sous ses yeux", avait jugé la cour à l'époque.
Pour elle, l'ex-capitaine avait bien distribué des armes aux miliciens Interahamwe qui tenaient les barrages dressés dans la capitale Kigali et avait "donné des instructions pour que les Tutsi soient systématiquement exécutés sur le champ".
Il avait en revanche été acquitté des faits qui lui étaient reprochés dans sa région natale de Gisenyi (nord-ouest), les témoignages "laissant présumer une certaine concertation entre eux peu compatible avec la vérité" selon la cour.
Un point capital pour ses avocats, Fabrice Epstein et Alexandra Bourgeot, qui avaient critiqué un dossier reposant uniquement sur des témoignages, qu'ils s'étaient attachés à mettre en doute.
Ils avaient aussi dénoncé un "procès politique", qui tombait à pic, à quelques semaines du vingtième anniversaire d'un génocide dans lequel le rôle de la France a été très critiqué.
"Nous espérons que seuls les faits seront regardés lors ce deuxième procès", sans la "pression morale" qui avait accompagné les premières audiences, ont-ils dit à l'AFP. Comme en première instance, ils tenteront d'obtenir l'acquittement.
Avec AFP