Le principal syndicat sud-africain appelle le président Zuma à démissionner

Un membre du groupe de manifestants proteste à l'extérieur du QG de l'ANC, à Johannesburg, le 5 septembre 2016.

La fronde anti-Zuma se durcit en Afrique du Sud avec l'appel mardi à la démission du chef de l'Etat lancé par le principal syndicat et allié historique de l'ANC au pouvoir, suite à un remaniement ministériel qui plonge le pays dans l'incertitude politique et économique.

"Le moment est venu pour lui de démissionner. Nous ne croyons plus en ses capacités de leadership", a lancé le secrétaire général de la Cosatu, Bheki Ntshalintshali au sujet du président Jacob Zuma.

Embourbé depuis plusieurs mois dans une série de scandales qui divisent jusque son propre parti, M. Zuma est de nouveau sous le feu des critiques depuis son remaniement ministériel controversé.

Ce qui est nouveau, ce sont les critiques de son vice-président, analyse la politologue Marianne Severin. Le président Zuma est-il indéboulonable ? "Il respecte la Constitution" précise la chercheuse associée au Laboratoire Les Afriques dans Le Monde à Sciences Po Bordeaux. "Le fait que les votes ne soient pas secrets au parlement est un vrai problème" précise Mme Severin. "Les membres de l'ANC ne peuvent pas voter contre Zuma de peur des conséquences".

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Marianne Severin joint par Claire Morin-Gibourg


Dans la nuit de jeudi à vendredi, la nomination de dix ministres et autant de vice-ministres réputés proches de M. Zuma a ravivé les tensions.

Après la Cosatu, un groupe d'anciens combattants de l'ANC, très remontés contre Jacob Zuma depuis plusieurs mois a également appelé publiquement à sa démission, mardi après-midi.

Un nom cristallise la fracture : celui de Pravin Gordhan, ministre des Finances, chantre de la lutte anti-corruption et ennemi n°1 de M. Zuma au sein du gouvernement, débarqué au profit de Malusi Gigaba, un fidèle du président.

Selon le patron de la Cosatu, ce remaniement a été conduit sur des questions de "loyauté politique" et non de "mérite".

Une grille d'analyse que partage le vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa qui a déjà qualifié d'"inacceptable" le limogeage de Pravin Gordhan.

Ce coup de balai a également été rapidement sanctionné par les marchés. Lundi, la note souveraine de l'Afrique du Sud a été dégradée en catégorie spéculative par l'agence Standard & Poor's et le rand sud-africain a perdu 7% de sa valeur depuis le remaniement face au dollar.

Standard & Poor's a rétrogradé l'Afrique du Sud à BB+, en catégorie spéculative, blâmant "l'incertitude politique et institutionnelle" aggravée par le remaniement.

L'agence Moody's qui classe pour l'heure l'Afrique du Sud, deux crans au-dessus des catégories spéculatives (Baa2) a quant à elle placé le pays sous "surveillance" en vue d'une potentielle dégradation.

"La dégradation des notes a déjà entraîné une dépréciation significative du rand et je pense que ce n'est qu'un début. On devrait voir une hausse de l'inflation et des taux d'intérêt", prévient Azar Jammine, économiste interrogé par l'AFP.

- "Négligent et imprudent" -

"Nous reconnaissons que l'annonce (de Standard & Poor's) est un revers mais ce n'est pas le moment de se décourager", a affirmé mardi le nouveau titulaire du portefeuille des Finances, lors d'une conférence de presse à Pretoria.

"Cette dégradation montre que nous devons raviver les moteurs de la croissance de notre nation", a-t-il poursuivi.

"Le président a été négligent et imprudent" a jugé le patron de la Cosatu, ajoutant que cette dégradation allait "coûter très cher" au pays.

Imperturbable, Jacob Zuma s'est contenté de déclarer avoir "fait des changements pour donner une nouvelle énergie au gouvernement", mardi lors de l'inauguration d'un train à Pretoria.

"Si le leadership a changé, l'orientation globale de la politique du gouvernement reste la même" a-t-il assuré.

Si la pression sur les épaules du "Président Teflon" est forte au sein de son camp, les partis d'opposition ne sont pas en reste.

Ils ont appelé lundi à des manifestations communes pour réclamer le départ de Jacob Zuma et à l'organisation d'un vote de défiance devant le Parlement, contre le chef de l'Etat.

Ce dernier a déjà survécu l'an dernier à plusieurs motions de ce type, grâce notamment à la confortable majorité de son parti au Parlement (249 députés sur 400).

Mais avec la défection de la Cosatu, allié historique de l'ANC depuis son arrivée au pouvoir avec la fin de l'apartheid en 1994, l'opposition peut rêver de réussir son coup devant le Parlement.

Elle doit seulement "retourner" 50 parlementaires pour obtenir la majorité simple nécessaire au succès de sa motion

"Je ne vois pas les députés de l'ANC se diviser, cela donnerait trop d'importance à l'opposition. Même ceux qui n'aiment pas Zuma ne veulent pas cela", relativise néanmoins auprès de l'AFP l'analyste indépendant Daniel Silke.

L'ANC doit élire son nouveau président en remplacement de M. Zuma à la fin de l'année.

Le candidat choisi sera la figure du parti pour les élections générales prévues en 2019 et qui désigneront un nouveau chef de l'Etat.

Avec AFP