Les députés sénégalais ont adopté lundi une loi autorisant le président de la République à instaurer un couvre-feu sans décréter l'état d'urgence et sans devoir soumettre sa décision à l'Assemblée nationale, une procédure jugée trop lourde en cas de crise sanitaire ou de catastrophe naturelle.
Le nouveau texte, critiqué par des associations de défense des droits humains et l'opposition, a été voté lors d'une séance de l'Assemblée nationale tenue à huis clos en raison des restrictions liées au coronavirus, alors que le Sénégal fait face depuis décembre à une deuxième vague de contaminations.
Jusqu'à présent, le chef de l'Etat ne pouvait pas décréter de couvre-feu sans avoir auparavant instauré l'état d'urgence. Il était en outre obligé de passer par l'Assemblée nationale au bout de 12 jours pour prolonger cet état d'urgence.
Lire aussi : Première nuit d'incidents à Dakar à nouveau sous couvre-feuC'est "une procédure relativement lourde", avait souligné le gouvernement en présentant son projet de loi.
Le nouveau texte vise à "faire face, avec plus de rapidité, aux crises sanitaires et aux catastrophes naturelles" en "permettant "aux autorités administratives d'avoir les moyens d'intervention rapide", selon le chef du service de communication de la présidence, Seydou Guèye.
Le président pourra dorénavant décréter un couvre-feu ou des restrictions dans les déplacements sans déclarer l'état d'urgence ou l'état de siège. Selon les circonstances, il pourra en outre déléguer ces pouvoirs au ministre de l'Intérieur, aux gouverneurs de région ou aux préfets de département.
"Pourquoi retirer des prérogatives des députés pour les confier au président de la République et aux autorités administratives ?", s'est interrogé publiquement le député d'opposition Cheikh Bara Dolly Mbacké.
Lire aussi : Les Sénégalais manifestent pour réclamer la fin du couvre-feu"Une telle marginalisation de l'Assemblée nationale sur des questions aussi importantes que l'exercice des droits des citoyens dans un contexte de gestion des situations d'urgence sécuritaire et sanitaire est inacceptable dans un Etat de droit", ont critiqué dans un communiqué conjoint trois ONG, dont Amnesty International Sénégal.
Le président Macky Sall avait décrété l'état d'urgence et instauré un premier couvre-feu en mars 2020, après l'apparition du premier cas. Ces mesures avaient été levée fin juin.
Face à la recrudescence des cas, Macky Sall a réinstauré le 6 janvier l'état d'urgence, assorti d'un couvre-feu, dans les régions de Dakar et Thiès, les plus touchées. Le lendemain, les autorités ont imposé le port du masque dans la rue dans tout le pays pendant trois mois.
Le Sénégal a déclaré depuis mars 21.533 cas, pour 469 morts.
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