Le retour de Riek Machar suscite un mince espoir de paix au Soudan du Sud

L'ex-rebelle Riek Machar est maintenant vice-président du Soudan du Sud.

Après des semaines d'attente, Riek Machar a enfin prêté serment pour devenir vice-président du Soudan du Sud.

L'entrée du chef rebelle Riek Machar dans ses fonctions de vice-président du Soudan du Sud suscite un fragile espoir de règlement d'une guerre civile qui a fait des dizaines de milliers de morts en plus de deux ans, mais les écueils sur le chemin de la paix sont nombreux.

Lors de la prestation de serment de M. Machar mardi au palais présidentiel de Juba, la capitale sud-soudanaise, le chef de la rébellion et son grand rival, le président Salva Kiir, ont fait assaut d'amabilité et de bonne volonté.

Ils étaient côte à côte, la main sur le coeur, lors de l'hymne national. M. Kiir a salué en son nouveau vice-président un "frère", dont il n'a "aucun doute" que le retour marquera la fin de la guerre, déclenchée en décembre 2013.

Mais de l'autre côté de la route, les portes métalliques tordues de l'ancienne résidence de M. Machar, prise d'assaut par les troupes gouvernementales au premier jour de la guerre, rappelaient que les relations entre les deux hommes sont bien plus complexes.

Riek Machar avait déjà occupé le poste de vice-président entre juillet 2011 et juillet 2013 avant d'être démis de ses fonctions par Salva Kiir.

Cinq mois plus tard, le Soudan du Sud avait plongé dans la guerre civile quand des combats avaient éclaté au sein de l'armée nationale, minée par des dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre MM. Kiir et Machar.

"Nous sommes fatigués"

Le conflit, notamment marqué par des massacres à caractère ethnique, des viols et des tortures, a fait des dizaines de milliers de morts (le bilan exact reste inconnu) et plus de 2,3 millions de déplacés.

La population veut voir un motif d'espoir dans le retour de M. Machar.

"Nous voulons que les tueries s'arrêtent", explique Teresa Nyadet, une mère de huit enfants, âgée de 58 ans, qui est parmi les 180.000 Sud-Soudanais à vivre dans les huit bases onusiennes du pays.

"Nous les femmes, nous voulons la paix au Soudan du Sud, et Machar doit faire en sorte que la vie que nous vivons en ce moment s'arrête", ajoute-t-elle.

"Je suis heureux que Riek Machar soit venu, car ça veut dire que nous allons sortir de ce camp", espère Elizabeth Akol, qui elle aussi est réfugiée avec ses quatre enfants dans une base de l'ONU à Juba. "Nous sommes fatigués, nous avons beaucoup souffert", plaide-t-elle.

M. Machar a promis de s'atteler rapidement avec le président à la formation d'un gouvernement de transition, prévu par l'accord de paix signé le 26 août 2015, pour "s'assurer que la paix s'étende à tout le pays".

"Donner une chance à la paix"

Mais les deux rivaux vont devoir prouver qu'ils sont capables de travailler de concert et de faire taire les armes, alors que les combats n'ont jamais cessé depuis la signature de cet accord.

"Les Sud-Soudanais peuvent retenir leur souffle en espérant que la guerre va prendre fin (...), mais je pense qu'ils devraient aussi être prudents et qu'ils ne devraient pas baisser la garde", prévient Jok Madut Jok, du centre de réflexion Sudd Institute, basé à Juba.

Une profonde inimitié oppose MM. Kiir et Machar, qui ont tous deux gravi les échelons du pouvoir au sein de la rébellion qui a lutté contre le gouvernement central soudanais de Khartoum lors de la guerre civile de 1983-2005, avant que le Soudan du Sud ne devienne indépendant en 2011.

Les deux dirigeants devront aussi composer avec une économie en ruines et une crise humanitaire qui frappe plus de cinq millions de personnes.

"Même si le processus de paix résout certains problèmes politiques à l'échelon national, il ne répond pas aux besoins croissants en aide humanitaire et protection sur le terrain", estime Victor Moses, responsable pour le pays du Norwegian Refugee Council.

Mais pour l'archevêque épiscopalien Daniel Deng Bul, qui a passé des décennies à oeuvrer pour la paix au Soudan du Sud, "il est temps de pardonner, de mettre tout ceci derrière nous", et de "donner une chance à la paix".

Avec AFP