Visage rond et cheveux courts, Frank Habineza, 40 ans, a quitté en 2009 l'hégémonique Front patriotique rwandais (FPR) du président Paul Kagame pour créer son propre parti et se "battre pour la démocratie". Au fil des ans, il a été menacé de mort et a vu des partisans frappés, emprisonnés ou choisir l'exil.
"Cela a été un parcours très difficile et aussi très dangereux", soutient le président du Parti démocratique vert lors d'un entretien avec l'AFP depuis son bureau de Kigali où, posté sur un balcon, un garde du corps surveille les allées et venues.
Car les opposants ont la vie dure au Rwanda. Le président Kagame est certes crédité de la transformation du pays et salué pour avoir mis un terme, à la tête du FPR, au génocide de 1994 - 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi -, mais son régime est critiqué pour sa volonté de museler la presse comme l'opposition.
Au moment de la création du parti vert, les réunions étaient perturbées par des hommes en arme, décrit M. Habineza. "Nous avons été frappés", assure-t-il.
Quasi-décapité
Né en Ouganda d'un père hutu et d'une mère tutsi en exil, M. Habineza est rentré au Rwanda après le génocide pour y étudier l'administration publique et devient un membre actif de la société civile.
En 2010, il tente de prendre part à la présidentielle mais son parti ne reçoit pas l'agrément des autorités et, juste avant le scrutin, le cadavre quasi-décapité du vice-président de sa formation est retrouvé dans un marais. Cette mort reste à ce jour non élucidée alors que Kigali a toujours démenti toute implication.
Frank Habineza, qui assure faire à son tour l'objet de menaces de mort, se réfugie alors avec sa famille en Suède. Il retourne au Rwanda en 2012, laissant derrière lui sa femme et ses enfants, dont un bébé d'un an. "Ça a été la chose la plus difficile que j'ai jamais faite", se souvient-il.
"C'était un gros risque de revenir car certains de mes partisans étaient en prison (...) le parti était en train de mourir", poursuit l'opposant.
Le parti d'Habineza reçoit finalement l'agrément des autorités juste avant les législatives de 2013, mais M. Habineza ne prend pas part au scrutin, estimant ne pas avoir suffisamment de temps pour se préparer.
Opposition de façade
En 2015, son parti est la seule formation homologuée du pays à s'opposer à une révision constitutionnelle - finalement adoptée à 98% des voix par référendum - permettant à Paul Kagame de briguer un troisième mandat et de potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.
Mais si la formation de M. Habineza est désormais reconnue par les autorités, la route vers la présidentielle a été semée d'embûches.
En 2016, il a été expulsé sans préavis ni explications de son bureau et de sa maison. Les règles électorales très strictes ne lui laissent par ailleurs que peu de temps pour lever des fonds ou faire campagne.
Ni Frank Habineza, ni l'autre candidat d'opposition Philippe Mpayimana, un candidat indépendant quasi-inconnu dans le pays, n'ont la moindre chance de vaincre le président Kagame, qui n'a pas hésité à affirmer lors de son premier meeting de campagne que "l'élection est jouée" depuis le référendum.
Plusieurs observateurs qualifient dès lors cette opposition de "façade", destinée à satisfaire la communauté internationale, mais Frank Habineza se défend: "Nous avons fait beaucoup de sacrifices pour être ici, même des sacrifices de sang. Ce n'est pas une faveur".
M. Habineza assure vouloir oeuvrer pour le respect des droits de l'Homme et la liberté d'expression, et lutter contre le chômage et la pauvreté. Mais certains Rwandais l'accusent de ne pas présenter d'alternative claire à Paul Kagame et de mesurer ses critiques à l'encontre du président.
"Nous faisons tout notre possible pour ne pas finir en prison", voire pire, justifie l'opposant.
Avec AFP