Les opposants russes prêts à surveiller la présidentielle malgré les risques

Des manifestants de l'opposition russe brandissent une banderole disant «arrêtez la dictature» lors d'un rassemblement anti-gouvernemental devant le Comité central des élections au centre-ville de Moscou, en Russie, le 14 février 2012.

Entassés dans une étroite pièce à Moscou, des partisans du principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny, suivent un cours inhabituel: prendre les fraudeurs la main dans l'urne lors de l'élection présidentielle de dimanche.

Éviter les pauses toilettes, ne pas céder aux provocations et refuser les invitations des responsables à aller déjeuner: autant de conseils que prodigue Nikolaï Levchits, un soutien de M. Navalny spécialisé dans la surveillance des scrutins.

"Le 18 mars, vous allez être les héros du jour. Rien que votre présence dans les bureaux de vote va diviser par deux les risques de fraude", affirme-t-il devant un public studieux.

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La candidature d'Alexeï Navalny à la présidentielle a été rejetée par la Commission électorale en raison d'une condamnation pénale qu'il dénonce comme orchestrée par le Kremlin. Le charismatique opposant, qui dispose d'une fidèle base de soutiens souvent très jeunes, a appelé au boycott et à la surveillance du vote.

Vu l'absence de suspense, l'opposition craint surtout des manipulations visant à gonfler la participation pour légitimer le résultat plus que le score de Vladimir Poutine, assuré de remporter un quatrième mandat le plaçant à la tête du pays jusqu'en 2024.

"C'est la première fois que nous déployons un nombre aussi élevé d'observateurs. C'est un processus très complexe", a affirmé mercredi M. Navalny à l'antenne de la radio Echo de Moscou, dénonçant la pression des autorités.

Les perquisitions des locaux de l'opposant et les arrestations de ses partisans se sont multipliées ces derniers mois dans toute la Russie.

M. Navalny, qui a organisé en 2017 deux manifestations d'ampleur contre le pouvoir, a néanmoins appelé à éviter toute action de protestation le jour du scrutin pour ne pas donner de potentiel "cadeau au Kremlin".

"Il peut y avoir quelques manifestations car il y a beaucoup de gens mécontents", tempère une autre figure de l'opposition, Ilia Iachine. "Il est probable que certains d'entre eux voudront faire entre leur voix contre ce qu'on nous impose en guise d'élection".

Ne pas 'baisser les bras'

Selon M. Navalny, près de 26.000 de ses partisans seront présents dans les bureaux de vote, s'ajoutant aux près de 1.400 observateurs internationaux prévus.

"Le fait que Navalny ne soit pas candidat est bien sûr très triste, mais ça ne veut pas dire que l'on doit baisser les bras", explique Ivan Orlov, un étudiant de 19 ans formé au quartier général de l'opposant à Moscou.

"Il n'y a pas d'intérêt à aller voter. Pour les autorités, nous sommes semblables à des petits insectes. Mais je me suis rendu compte que je ne pouvais pas rester les bras croisés", abonde Oleg Doulenine, un acteur de 44 ans.

Nikolaï Liachkine, le directeur de campagne de l'opposant pour la région de Moscou, souligne la nécessité pour les observateurs d'être notamment présents dans les villes entourant la capitale russe, moins surveillées que Moscou.

Depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012, marqué par des manifestations durement réprimées, le pouvoir a opéré un tour de vis sur l'opposition ainsi que plus généralement la société civile et l'internet russe.

Amnesty International a dénoncé une "répression féroce" des militants de l'opposition en Russie, qui passe par "la détention arbitraire des figures importantes de l'opposition et des poursuites en justice politiquement motivées".

'Répression féroce'

L'opposant Ilia Iachine a présenté cette semaine à Moscou un rapport dressant un bilan de la présidence de Vladimir Poutine, dénonçant la corruption endémique et un système profitant avant tout aux proches du maître du Kremlin.

Quelques jours avant cette présentation, la police avait confisqué les premiers tirages du rapport alors qu'ils étaient remis aux opposants dans un parking souterrain.

"Cela m'a rappelé un film d'espionnage", indiqué M. Iachine, selon qui une telle réaction montre "à quel point il est explosif pour la position politique de Poutine de répandre la vérité".

Dans la deuxième ville de Russie, Saint-Pétersbourg, 11 membres de l'équipe de campagne de M. Navalny ont été interpellés et six d'entre eux ont écopé de peines allant jusqu'à 25 jours de détention.

"Il arrêtent les gens les plus actifs. C'est une mesure préventive. La principale tâche des autorités est que personne ne gâche leur triomphe", estime la militante pro-Navalny Polina Kostileva.

Malgré les risques, certains militants n'hésitent pas à être créatifs dans leurs actions de protestation.

Récemment, des militants ont défilé à Saint-Pétersbourg en tenue de prisonniers avec la date "2018", tandis qu'un autre a écopé de 20 jours de détention pour avoir exhibé un cercueil marqué "élections" à Nijni Novgorod, sur la Volga.

Avec AFP