26 ans après en avoir été chassé par l'armée syrienne, cet ex-général de 81 ans regagne, grâce à son opiniâtreté, le palais présidentiel de Baabda pour un mandat de six ans non-renouvelable. Il devient le troisième général à accéder à la magistrature suprême.
Pour y parvenir, M. Aoun a reçu l'appui inopiné de deux de ses adversaires politiques: le chef chrétien des Forces libanaises (FL) Samir Geagea et l'ex-Premier ministre sunnite Saad Hariri, tous deux hostiles au président syrien Bachar al-Assad et à ses alliés libanais du Hezbollah.
Ce chrétien maronite est né le 18 février 1935 dans la banlieue populaire de Haret Hreik, au sud de Beyrouth. Comme beaucoup de jeunes issus de milieu modeste, il embrasse la carrière militaire.
Il gravit les échelons jusqu'à devenir chef d'une unité d'élite multiconfessionnelle qui défendra en octobre 1983, en pleine guerre civile (1975-1990), les régions gouvernementales face à la milice druze de Walid Joumblatt appuyée par la Syrie.
Il accède au grade de général et devient chef de l'armée. A l'été 1988, le président Amine Gemayel, quittant le pouvoir sans successeur, le nomme à la tête d'un gouvernement militaire chargé d'assurer l'élection d'un nouveau chef de l'Etat.
Pendant ses deux ans au pouvoir, il lance sans succès "la guerre de libération" contre l'armée syrienne présente au Liban, puis tente en vain de désarmer les FL dirigées par Samir Geagea. Ces affrontements sont un désastre.
Retranché dans le palais présidentiel, il refuse l'accord conclu à Taëf (Arabie saoudite) en 1989 pour mettre fin à la guerre civile. Un nouveau président proche de la Syrie Elias Hraoui est élu.
Le 13 octobre 1990, l'armée syrienne l'évince par la force. Michel Aoun se réfugie à Paris en 1991 où il restera 15 ans et fondera le "Courant patriotique libre", hostile à la Syrie.
Le 14 février 2005, l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri suscite des manifestations qui aboutissent au retrait total des troupes syriennes du Liban le 27 avril 2005.
Deux semaines plus tard, M. Aoun rentre au Liban et crée la surprise aux législatives en remportant 21 sièges sur 128 à l'issue d'une campagne axée contre le confessionnalisme et la corruption.
Son neveu, le député Alain Aoun, vante "sa santé de fer" et sa "mémoire d'éléphant" et le décrit comme un homme "patient, têtu et persévérant".
Sur les réseaux sociaux, ses détracteurs raillent depuis plusieurs jours son opportunisme en diffusant des vidéos où il dénonçait comme "illégitime" ce même Parlement qui l'a élu.
L'ex-général fait figure de trouble-fête dans un paysage politique dominée par les grandes familles et les anciens seigneurs de la guerre civile. Walid Joumblatt le qualifie de "tsunami qui nous tombe sur la tête".
Dans un nouveau coup de théâtre dont il est coutumier, il signe le 6 février 2006, un document d'entente avec le Hezbollah.
M. Aoun devient le contempteur de Saad Hariri, fils de l'ancien Premier ministre assassiné. Le dirigeant Hassan Nasrallah lui apporte son appui total pour l'élection présidentielle.
L'homme qui se présentait comme l'adversaire du népotisme se voit reproché par ses adversaires d'être coupable du même péché. Il réussit à nommer ministre son gendre Gébrane Basil et tente en vain d'obtenir le poste de chef de l'armée pour son second gendre.
La révolte, qui éclate en Syrie en mars 2011, divise le Liban. Les partis chrétiens des FL et des "Kataëb" ainsi que la majorité des sunnites prennent parti pour les rebelles. Mais M. Aoun, ancien chantre de la lutte contre la famille Assad reste bienveillant à l'égard du régime.
En mai 2014, le mandat du chef de l'État Michel Sleimane prend fin et plus de deux ans auront été nécessaires pour qu'un laborieux compromis assure le triomphe de M. Aoun.
Avec AFP