"Mon souhait, c'est qu'il y ait un apaisement parce que je pense que c'est mieux de se parler, d'avancer", a déclaré le Président dans un entretien à France Inter, appelant à "reconnaître toutes ces mémoires" de la guerre d'Algérie et leur "permettre de cohabiter".
M. Macron a déclenché la colère d'Alger après des propos rapportés par le journal Le Monde samedi dernier accusant le système "politico-militaire" algérien d'entretenir une "rente mémorielle" sur le conflit en servant à son peuple une "Histoire officielle" qui "ne s'appuie pas sur des vérités".
"J'ai le plus grand respect pour le peuple algérien et j'entretiens des relations vraiment cordiales avec le président Tebboune", a-t-il ajouté mardi, insistant une nouvelle fois sur la qualité de cette relation.
Il avait déjà fait les louages de son homologue dans un grand entretien à l'hebdomadaire Jeune Afrique en novembre 2020 et a laissé entendre qu'il n'a pas les coudées franches d'après les propos rapportés par le Monde: "J'ai un bon dialogue avec le président Tebboune mais je vois qu'il est pris dans un système qui est très dur."
Emmanuel Macron, premier président français né après la guerre d'Algérie achevée en 1962, a entrepris un travail de mémoire inédit sur cette guerre, souvenir douloureux pour des millions de Français, dont de nombreux d'origine algérienne.
Abdelmadjid Tebboune, né en 1945, est également le premier président algérien à n'avoir pas participé à la guerre d'indépendance débutée en 1954.
"C'est quelqu'un en qui j'ai confiance", a dit sur France Inter M. Macron à propos de M. Tebboune.
Ce dernier est toutefois un pur produit de l'appareil d'Etat algérien mis en place à l'issue de la guerre, dans lequel les dirigeants militaires sont prépondérants même si officiellement l'armée n'a aucun rôle politique. Elle est "l'épine dorsale de l'Etat algérien", avait observé en août M. Tebboune.
Alors qu'approchent à grands pas certaines dates anniversaires importantes (la répression sanglante des manifestants algériens à Paris du 17 octobre 1961, et surtout les accords d'Evian du 18 mars 1962 mettant fin à la guerre), M. Macron a multiplié les initiatives mémorielles.
Il a commandé un rapport à l'historien Benjamin Stora, reconnu l'assassinat de l'avocat algérien Ali Boumendjel en 1957, restitué les crânes de résistants algériens du XIXe siècle, demandé "pardon" aux harkis qui étaient des auxiliaires algériens de l'armée française.
- "Mots amicaux et proportionnés" -
Il estime que la France fait "un travail en profondeur avec la jeunesse française et franco-algérienne". "Et donc, on se dit des choses qui ne sont pas agréables pour nous-mêmes. Je ne nous ai pas ménagés avec notre propre Histoire", a-t-il dit.
"Quand la question m'a été posée sur l'accueil du rapport de Benjamin Stora en Algérie, j'ai été obligé de dire la vérité au président Tebboune, on en a parlé et c'est quelqu'un en qui j'ai confiance. Il a eu des mots amicaux et proportionnés". Mais en Algérie, "beaucoup de gens ont insulté, parfois menacé Benjamin Stora suite à ce rapport. On ne va pas faire comme si cela n'était rien", a-t-il dit.
Il estime toutefois que ce travail mémoriel, "c'est d'abord un problème franco-français. On doit continuer à faire ce travail avec beaucoup d'humilité, avec beaucoup de respect".
M. Macron n'a, en revanche, pas évoqué mardi un autre passage de ses propos qui a le plus heurté l'opinion algérienne et dans lequel il questionne l'existence d'une "Nation algérienne" avant la colonisation française.
"La construction de l'Algérie comme Nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu'il y avait une Nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c'est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu'a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu'elle a joué en Algérie et la domination qu'elle a exercée [c'était alors l'empire ottoman]. Et d'expliquer qu'on est les seuls colonisateurs, c'est génial", a-t-il déclaré d'après Le Monde.