Manif anti-Condé interdite en Guinée: un chanteur contestataire détenu près de 24 heures

Une photo de profil Facebook de Elie Kamano.

Le chanteur de reggae guinéen Elie Kamano, arrêté lundi pour avoir participé à une manifestation non autorisée contre le président Alpha Condé à Conakry, a été relâché mardi en fin de journée, a-t-on appris de sources concordantes.

Il a été arrêté lundi à Matoto, en grande banlieue de Conakry, avec trois de ses camarades, alors qu'il avait appelé à une marche contre les appels à modifier la Constitution pour permettre à M. Condé de briguer un troisième mandat, avait constaté un journaliste de l'AFP.

Après plusieurs heures d'auditions lundi et mardi par la police judiciaire sur ses accointances avec l'opposition, ses activités, et les sources de financement de son mouvement, appelé "La jeunesse s'organise pour son avenir", il a été déféré devant le parquet, ont indiqué à l'AFP Elie Kamano et son avocat, Salifou Béavogui.

Le chanteur a été inculpé, avec ses coprévenus, d'"attroupement interdit sur la voie publique" et de trouble à l'ordre public, par le substitut du procureur de la République.

"Après mon inculpation par le procureur, j'ai été envoyé à la prison civile avec mes amis, avant de nous voir ré-embarqués et de retour devant le magistrat", a affirmé M. Kamano à l'AFP.

Le représentant du parquet "nous a dit de ne pas écouter les gens et de ne pas dénigrer le président de la République, que moi personnellement ma voix compte beaucoup, de tout faire pour m'entendre avec lui, dans mon intérêt", a-t-il indiqué.

Me Béavogui s'est déclaré à l'AFP "très content" de la libération de ses clients, ajoutant avoir su dès le début "que le dossier était vide".

Le ministre de la Justice Cheick Sako a affirmé à l'AFP s'être "personnellement impliqué pour qu'on libère Elie"(Kamano), estimant que cette décision répondait à l'intérêt général.

Déployées en nombre sur le lieu prévu pour le rassemblement lundi, les forces de l'ordre avaient fait usage de grenades lacrymogènes pour disperser la foule et arrêté les organisateurs, dont le chanteur.

Elie Kamano, très critique envers le président Condé, avait été arrêté en 2014 pour "offense au chef de l'Etat", puis de nouveau en février 2017, pendant une grève des enseignants, pour avoir menacé sur une radio locale d'appeler à manifester si les écoles n'étaient pas rouvertes.

M. Condé, réélu en 2015 pour un second mandat de cinq ans, a récemment mis en doute, en marge de réunions internationales, la pertinence de la limitation à deux mandats en Afrique, soulignant que cette exigence n'était la norme ni en Europe ni en Asie.

Des élections locales, les premières dans le pays depuis 2005, auraient dû se tenir en février, en vertu d'un accord conclu en octobre 2016 dans le cadre du dialogue politique national entre le pouvoir, l'opposition, la société civile et les partenaires internationaux de la Guinée.

Mais aucune date n'a encore été fixée pour ce scrutin et l'opposition appelle à une marche à Conakry le 2 août pour exiger le respect de ces accords.

Ancien opposant historique, Alpha Condé est devenu en 2010 le premier président démocratiquement élu de cette ex-colonie française d'Afrique de l'Ouest, régie jusqu'alors par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux.

Avec AFP