Nigeria: plan d'urgence médicale après le bombardement d'un camp de déplacés par l'armée

Des refugiés fuyant Boko Haram au Nigeria et au Niger sous une tente qui sert de logement dans le camp de Dar Es Salam à Baga-Sola (ouest du Tchad). VOA/ Bagassi Koura.

Les opérations de secours se poursuivaient mercredi dans le nord-est du Nigeria où un camp de déplacés a été bombardé mardi par erreur par l'armée nigériane, faisant au moins 52 morts et plus de 120 blessés, selon MSF.

Hôpitaux publics, médecins et ambulances de Maiduguri, la grande ville de la région et berceau des islamistes de Boko Haram, étaient en alerte dans le cadre d'un "plan d'urgence médical" déclenché par les autorités de l'Etat du Borno.

Le Comité International de la Croix Rouge (CICR) a déployé un hélicoptère pour évacuer les victimes vers Maiduguri et Médecins Sans Frontières (MSF), qui opérait depuis peu dans le camp bombardé de Rann, a été chargé de coordonner la réponse médicale, a indiqué Isa Gusau, porte-parole du gouverneur de l'Etat.

Les frappes aériennes ont eu lieu mardi vers 09H00 (08H00 GMT) à Rann, dans le nord de l'Etat du Borno, alors que les humanitaires distribuaient de la nourriture aux déplacés forcés de fuir les violences.

"Une réponse d'urgence était peu à peu apportée dans cette localité qui était, il y a peu de temps encore, inaccessible" aux humanitaires, rapporte Edward Kallon, coordinateur des Nations unies pour le Nigeria.

Rann et ses 43.000 déplacés souffraient déjà de "manque de nourriture et sévère malnutrition".

Six employés de la Croix-Rouge nigériane ont été tués et 13 blessés dans le bombardement, a annoncé le CICR, qui gère également des équipes dans la zone.

Plusieurs organisations humanitaires ont fermement condamné mercredi ce bombardement, alors que le bilan risquait de s'alourdir mercredi.

Organiser les évacuations et les premiers secours restent un défi dans cette région isolée, près de la frontière camerounaise, encore infestée de combattants de Boko Haram.

Cette attaque est "choquante et inacceptable", selon le Dr Jean-Clément Cabrol, directeur des opérations de MSF.

"Les camps de déplacés sont censés être des refuges sûrs pour les populations fuyant la guerre et les conflits", a déclaré dans un communiqué le secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC), Jan Egeland.

"Les attaques +accidentelles+ sur des camps abritant des innocents" ne peuvent pas devenir une "nouvelle norme", a-t-il ajouté.

'Jamais vu ça'

Mausi Segun, spécialiste du Nigeria à Human Rights Watch a estimé que le gouvernement devrait offrir "une indemnisation rapide, adéquate et efficace aux victimes" du drame.

"Même s'il n'y a pas de preuve qu'il s'agit d'une attaque délibérée sur le camp, ce qui serait un crime de guerre, le camp a été bombardé sans dictinction, en violation du droit international humanitaire".

Le général nigérian Lucky Irabor, qui commande les opérations militaires contre le groupe jihadiste Boko Haram, a affirmé que l'aviation avait reçu des informations faisant état de regroupements de "terroristes de Boko Haram" dans la région de Kala-Balge.

"Ce sont le résultat du brouillard de la guerre", a-t-il dit.

Des images diffusées après l'attaque montraient des enfants blessés, en pleurs, les vêtements déchirés et maculés de sang, ainsi que des corps allongés sur des nattes et recouverts de couvertures. Des patients soignés à même le sol et des baraquements du camp ravagés par le feu étaient aussi visibles.

Toby Lanzer, coordinateur humanitaire de l'ONU pour la région du Sahel, a déclaré à l'AFP: "Jamais au cours de mes 20 années de travail en zone de conflit, je n'ai vu une telle chose"

"Un avion militaire a bombardé par erreur Rann au lieu de Kala", une localité voisine, a affirmé par téléphone à l'AFP un habitant, Abba Abiso. "Ces dernières semaines, Boko Haram a déplacé sa base de la forêt de Sambisa vers Kala et un avion militaire a apparemment confondu Rann et Kala", a-t-il ajouté.

Le président nigérian Muhammadu Buhari a déclaré dans un communiqué qu'il avait appris avec "une profonde tristesse" ce bombardement qu'il qualifie de "regrettable erreur opérationnelle".

Ce bombardement survient alors que l'armée nigériane a revendiqué de nouvelles victoires contre la filiale du groupe État islamique en Afrique de l'Ouest.

Le mois dernier, l'armée a déclaré que le conflit entrait dans sa phase finale après presque huit années de violence qui ont fait au moins 20.000 morts et plus de 2,6 millions de déplacés.

Des bombardements accidentels ont déjà eu lieu par le passé: en mars 2014, un avion militaire avait tué cinq personnes en frappant par erreur le village de Kayamla, dans la région de Konduga (Etat du Borno).

Le chasseur avait confondu le village avec un camp de Boko Haram au cours d'un raid nocturne.

Avec AFP