Ces tirs, qui avaient cessé jeudi en fin d'après-midi, sont intervenus à la veille de la visite du ministre de la Défense Alain-Richard Donwahi, qui devrait apporter les promesses du gouvernement et mettre un point final à la mutinerie.
"Nous attendons notre argent demain. Ce qui compte c'est l'argent", a déclaré l'un des mutins à l'AFP, soulignant qu'ils "mettaient la pression" pour "rappeler en haut lieu ce qui a été convenu".
Un accord avait été trouvé samedi à Bouaké entre le ministre et des soldats qui réclament le paiement de primes, des augmentations de solde, une promotion plus rapide entre les grades ainsi que des logements.
Des militaires en colère avaient cependant empêché le ministre et sa délégation de quitter la résidence du sous-préfet pendant plus de deux heures.
Dans la nuit de mercredi à jeudi mais aussi dans la matinée, des tirs nourris ont été entendus dans un camp militaire en face de l'université Alassane Ouattara (ouest de Bouaké).
"Ils ont passé toute la nuit à tirer en l'air. On n'a pas pu fermer l'oeil. Et ce matin, ils ont continué de tirer", a expliqué Marguerite Bambara, une voisine.
Les habitants vivent dans la psychose des événements du weekend et de nombreux magasins ont fermé ou n'ont pas ouvert jeudi matin en raison des coups de feu.
"J'ai préféré fermer mon magasin pour éviter d'être pillé", a confié Sar Abdoulaye, commerçant.
Une manifestation contre le mouvement organisé par les militaires devrait avoir lieu vendredi à Bouaké, selon Yacouba Traoré, un notable, et l'un des initiateurs de la marche. "(Il faut) mettre un terme à la révolte des soldats. Nous sommes fatigués de leurs agissements", a-t-il dit, affirmant qu'il allait "marcher sur les camps militaires".
Trois commissariats ont fermé pendant la journée de jeudi, seule la préfecture de police est restée ouverte. "Nous sommes là, c'est vrai, mais sur le qui vive. S'il y a des tirs nourris à l'arme lourde, nous allons rentrer chez nous. Nous ne sommes pas formés pour faire face aux militaires", a soufflé à l'AFP un policier sous couvert d'anonymat.
Le weekend dernier, le mouvement des mutins avait fait tache d'huile, s'étendant à la plupart des casernes du pays, notamment dans la capitale économique Abidjan.
Les revendications des mutins, dont beaucoup sont d'anciens rebelles, sont matérielles. Elles marquent le retour d'un problème récurrent dans un pays sorti en 2011 de dix ans de rébellion dont Bouaké, 1,5 million d'habitants, fut la capitale.
En novembre 2014 déjà, une vague de protestation de soldats était partie de Bouaké et s'était également étendue à Abidjan et d'autres villes.
Le pays a achevé mercredi une réorganisation politique. Le président a nommé mardi l'ancien Premier ministre Daniel Kablan Duncan vice-président, poste nouveau créé après le référendum constitutionnel de novembre, et Amadou Gon Coulibaly, ex-secrétaire général de la présidence, nouveau Premier ministre. Ce dernier a formé mercredi un nouveau gouvernement plus restreint que la précédente équipe.
La rébellion du nord qui coupa la Côte d'Ivoire en deux en 2002-2011 était favorable à M. Ouattara. Le sud était tenu par les forces loyales à l'ex-président Laurent Gbagbo.
La Côte d'Ivoire a mis en route en 2016 une ambitieuse loi de programmation militaire jusqu'en 2020. Elle prévoit modernisation et achats d'équipements pour 1,2 milliard d'euros et une refonte des effectifs. L'armée ivoirienne - 22.000 hommes au total - compte trop de gradés pour peu de soldats.
Avec AFP