L'ONU s'inquiète des "exactions" des forces de l'ordre au Cameroun

Les maisons incendiées à Moskata lors d'une incursion de Boko Haram, à l'extrême nord du Cameroun, 17 août 2017. (Photo : Journal l'Oeil du Sahel)

Le Comité des Nations unies contre la torture a appelé l'Etat camerounais à mettre fin aux "exactions" de ses forces de sécurité dans la lutte contre Boko Haram, selon un rapport, qui s'inquiète par ailleurs des arrestations menées dans les régions anglophones du pays.

Tout en déplorant "les crimes et exactions graves commises par le groupe terroriste Boko Haram dans l'extrême-nord depuis 2014", le Comité de l'ONU se dit "vivement préoccupé" par les allégations d'exactions et de tortures perpétrées par les forces de sécurité camerounaises, qui seraient "très répandues".

Le Comité fait état "d'informations reçues selon lesquelles, entre 2013 et 2017, de nombreuses personnes originaires de l'Extrême Nord, soupçonnées de soutenir Boko Haram, auraient été détenues au secret par l'armée régulière et par des membres du BIR (Brigade d'intervention rapide) dans au moins 20 centres de détention non officiels", indique le document.

Le Comité recommande notamment à l'Etat camerounais d'"exercer un contrôle rigoureux sur les forces de sécurité afin de les empêcher d'avoir recours aux exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et détentions arbitraires".

Le Cameroun fait partie des 162 Etats signataires de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, rappelle l'ONG Amnesty international dans un communiqué de presse jeudi.

L'ONG, qui se félicite du rapport de l'organisme onusien, avait documenté dans un rapport publié en juillet des cas de recours à la torture dans la lutte contre Boko Haram.

Concernant l'ouest anglophone du Cameroun, plongé depuis un an dans une grave crise socio-politique et théâtre ces dernières semaines d'une hausse alarmante des violences des sécessionnistes, le Comité "prend note de la position de l'Etat partie selon laquelle le recours à la force était nécessaire et proportionné pour réprimer" des manifestations.

L'organe onusien fait cependant état de la mort d'"au moins 17 personnes tuées par balle" le 1er octobre, le fait que "plus de 500 personnes auraient été arrêtées sans mandat d'arrêt, y compris dans des hôpitaux", et qu'"au moins 362 personnes seraient poursuivies pour terrorisme devant des tribunaux militaires". Il regrette que "Yaoundé n'ait pas répondu aux demandes de renseignements sur le nombre de manifestants toujours en détention".

Le texte recommande entre-autres que la justice camerounaise s'abstienne "d'appliquer la loi anti-terroriste ou la juridiction militaire pour poursuivre des personnes qui ont fait valoir leur droit de manifester de manière pacifique".

Le Comité contre la torture s'était réuni à Genève les 7 et 8 novembre, où il a notamment procédé à un examen du cinquième rapport périodique du Cameroun sur l'application des dispositions de la Convention contre la torture couvrant la période 2010-2015.

Le Comité - composé de 10 experts indépendants - avait ensuite engagé un dialogue avec la délégation camerounaise avant de publier ses recommandations.

Avec AFP